Trouver l’équilibre dans la société pour défendre l’individu

Cette interview exclusive plonge dans les eaux profondes de « Activismes », un ouvrage qui promet d’interroger et de redéfinir les limites entre l’individu et le collectif. L’auteur, Jean-François Le Drian, nous offre un regard sans concession sur les failles de notre système sociétal et les dangers de la sur-socialisation de l’individu. Publié chez VA Éditions, ce livre est une ode à la pensée indépendante et un appel à la vigilance contre l’endoctrinement. À travers ses mots, l’auteur déconstruit les narratives qui brident l’esprit humain et prône un réveil intellectuel qui pourrait bien être la clé de notre évolution future.

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Vous évoquez un paradigme où la société éclipse et précède l’individu. En quoi cela est préjudiciable à l’évolution cognitive humaine ?

Les sciences sociales ont hypersocialisé l’individu notamment pour justifier une forme de prééminence des études sociologiques. Les individus sont de fait invités à s’identifier à des identités collectives dont ils sont convaincus qu’elles existent en tant que choses réelles et non en tant que fictions.

Ces identités collectives sont souvent la création d’entrepreneurs de l’identité qui créent continuellement des scripts de représentation de soi, de compréhension de soi, buts collectifs, récits stéréotypés censés venir se déverser dans le moi narratif littéraire de l’individu « cible » pour qu’il endosse certains éléments de ces identités collectives. L’idée est de le transformer en un petit soldat qui viendra armer la cause élue par ces entrepreneurs.

Pour ce faire, il faut insinuer l’idée dans l’esprit de l’individu que le «je » grammatical qu’il emploie pour évoquer un moi nourri par cette bulle narrative littéraire individuelle, réceptacle de toutes les histoires que l’on se raconte à soi-même, que les autres racontent sur soi, que les manufacturiers des identités collectives déversent, que ce moi narratif individuel serait ce « je ».

Or ce n’est pas le cas. Il n’y a pas d’identité entre le « je » et ce « moi narratif individuel », il y a simplement une identification. L’identité est une relation alors que l’identification est un processus.

En confondant les deux, en tombant dans le transfert de projection dont nous parle Edward T. Hall, on fige une partie du moi, on l’arrime à des idées rigides et on l’empêche ainsi d’évoluer.

Dans certaines théories normatives, on trouve même de manière implicite voire explicite l’idée selon laquelle l’être humain ne devrait surtout pas s’adapter et que ce serait à la société d’élargir son répertoire culturel pour accueillir par exemple l’idée d’une paternité extérieure des pensées sans que cette idée soit connotée ou stigmatisée.

Comment les gouvernements et les institutions ont-ils, selon vous, sacrifié la liberté individuelle au nom de l’ordre social ?

Sacrifier la liberté individuelle au nom de l’ordre social peut se comprendre mais demeure non seulement une solution de facilité mais également une erreur. Demander à un individu de se conformer à un algorithme de comportement social revient à valoriser les comportements mécaniques et à créer un risque d’involution.  

Aujourd’hui, certains scientifiques brillants s’inquiètent de la possibilité d’une régression et lancent des cris d’alarme qui ne sont pas ou peu entendus. Le risque d’involution de notre espèce n’est plus une simple vue de l’esprit.

Miguel Nicolelis, l’un des plus grands neuroscientifiques du XXIe siècle nous alerte en ces termes :
« Aussi terrifiant que cela puisse paraître, beaucoup ont déjà décidé que tout ce qu’une machine de Turing ne pouvait pas faire n’était pas important, ni pour la science ni pour l’humanité. C’est pourquoi je crains que les chercheurs en intelligence artificielle ne soient pas les seuls à penser comme cela.
Pire, je m’inquiète du fait qu’à force de devenir aussi à l’aise et dépendant de la façon dont les machines digitales fonctionnent, notre cerveau de primate à haute capacité d’adaptation puisse courir le risque d’imiter la façon dont ces machines fonctionnement. […] Si cette tendance continue, notre espèce pourrait devenir des sortes de zombies à l’intelligence modérée. »

En conclusion de votre texte, vous appelez à l’abandon du paradigme de la post-modernité. Quelle est votre vision d’une société où l’individu est remis au cœur des politiques, et comment envisagez-vous la transition vers cette nouvelle ère ?

Ma vision est simple : Il faut remettre au cœur de toutes les politiques l’objectif de perfectionnement de l’esprit humain qui ne se confond nullement avec l’amélioration de la condition humaine. Pour y parvenir, il faut libérer l’être humain des déterminismes sociaux, des identités collectives. Il faut raviver l’esprit de la science, inciter chacun à adopter une véritable hygiène épistémique, valoriser l’attitude critique et inciter chacun à recourir à la pensée analytique indépendante.

D’un point de vue plus philosophique, je considère qu’il faut permettre à chacun de multiplier les ponts entre la pensée et le réel en l’incitant à multiplier les modes d’appropriation du réel.

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