Théorie néo-institutionnelle et isomorphisme
Ces auteurs entendent répondre à cette question fondamentale, à travers le concept d’isomorphisme.
Selon ce modèle, les organisations vont être conduites à se ressembler parce qu’elles recherchent la légitimité de leur milieu. Le phénomène d’isomorphisme, qu’il soit coercitif (règles politiques et législatives), normatif (pratiques sectorielles ou professionnelles) ou mimétique (imitation concurrentielle) contribue ainsi à mieux comprendre les dynamiques d’homogénéisation et de structuration des champs mais aussi la dimension parfois irrationnelle et ambiguë des processus organisationnels, dont les fondements ne sont pas toujours liés à des considérations économiques.
En effet, les dynamiques à l’oeuvre s’avèrent dans bien des cas, le résultat de processus institutionnels qui les dépassent (règles, conventions, habitudes, pressions institutionnelles ou sociales), sans référence aucune à la rationalité des managers.
De l’entrepreneur institutionnel au travail institutionnel
Néanmoins, en dépit de son intérêt, cette notion présente également des limites, notamment en ce qui concerne la focalisation sur un acteur clé, capable de modifier à lui seul le système institutionnel en place. Cette limite a conduit des travaux à privilégier la notion de travail institutionnel, afin de prendre en compte la diversité des acteurs et des influences dans un champ d’action donné, en remplaçant la dimension stratégique de l’entrepreneur par le caractère collectif et dynamique du changement institutionnel.
Conclusion
Le concept d’entrepreneur institutionnel a donc été un premier pas dans une vision plus stratégique de la réalité des organisations et des acteurs, en introduisant la question du changement (agencement managérial) et de l’intentionnalité du décideur. La notion de travail institutionnel va encore plus loin, en s’intéressant aux stratégies qui touchent directement les institutions, c’est-à-dire les structures servant de cadre aux interactions stratégiques. Alors que la stratégie vise à analyser l’obtention d’un avantage concurrentiel, la notion de travail institutionnel permet d’étudier les stratégies visant à aligner les structures mêmes qui régulent la concurrence sur les intérêts et les valeurs des acteurs. Cette notion se révèle particulièrement utile pour décrypter les stratégies politiques (mise en place, maintien ou remise en cause des règles juridiques en place) ou technologiques (mise en place, maintien et contestation de certains standards), qui peuvent influer sur les structures d’un marché.
Pour aller plus loin
Charreire-Petit S., Huault I., Les grands auteurs en management (2e ed.), EMS: IEEE – Institute of Electrical and Electronics Engineers, 2009.
Déjean F., L’émergence de l’investissement socialement responsable en France : le rôle des sociétés de gestion, Revue de l’Organisation Responsable, vol. 1, n°1, 2006, p. 18-29.
Déjean F., Gond J-P., Leca B., Measuring the unmeasured : an institutional entrepreneur strategy in an emerging industry, Human Relations, vol. 57, n°6, 2004, p. 741-764.
Di Maggio P., « Cultural aspects of economic action and organisation ». In : Friedland R, Robertson A.F. (Ed.), Beyond the marketplace, Rethinking economy and society. Aldine de Gruyter, New York, 1990.
Di Maggio P., Powell W., « The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields », American Sociological Review, vol. 48, no 2, 1990, p. 147–160.
Di Maggio P., »Interest and Agency in Institutional Theory » in Zucker L.G. (eds.), Institutionnal Patterns and Organizations, Cambridge, 1988.
Huault I., Théories néo-institutionnalistes et management, in Barabel M. et Meier O., Manageor : les meilleures pratiques du management, contribution, Paris: Dunod, 2015.