Conflits, violences, changement climatique mettent en péril les moyens de subsistance de millions de personnes et tout en même temps, malnutrition et obésité des pays en voie de développement (1).
Pourrons-nous éviter de mettre en œuvre des stratégies efficaces pour lutter et contrer les « grands périls » comme le disait déjà Tocqueville ?
Négociations sur le climat, réduction de l’approvisionnement en pétrole puis en gaz, remplacement d’une partie du nucléaire par « autre chose », regroupent de manière disparate, le terme de « transition énergétique ».
Objectifs, moyens et conséquences qui divergent selon la signification que lui donnent les différents protagonistes.
Ainsi de chacun — physiciens, économistes ou politiques, ingénieurs, démographes pensent au fait qu’il y aurait un lien entre les émissions de gaz à effet de serre, l’économie, l’intensité énergétique et la démographie… Cela est bien mis en évidence par l’équation de Kaya (2).
Le stock d’hydrocarbures que nous consommons associé au volume de forêts que nous défrichons sont parmi les principales émissions de CO2. Ce stock étant limité, cela signifie, en langage mathématique, que celles-ci tendent inexorablement vers zéro à l’infini.
Afin d’enrayer le scénario inéluctable de notre autodestruction par dégradation de notre atmosphère en CO2, l’équation de Kaya nous indique la nécessaire division par 3 au moins des émissions mondiales de 2010.
Proposition de décroissance du gaspillage en couplant le développement économique, donc la création d’emplois et de profits industriels, à l’efficience, selon le label des 1008 solutions de Bertrand Piccard et de sa Fondation.
Neutralité carbone à atteindre par un Green deal avec comme projet une « taxonomie » européenne faisant référence à un système de classification visant à définir ce qu’est une activité économique durable sur le plan environnemental.
Une reclassification dont l’objectif est d’éviter que les produits financiers ne soient présentés comme plus écologiques qu’ils ne le sont en réalité.
Véritable gageure à relever que cette « transition énergétique », il n’en reste pas moins la certitude que l’énergie est ce qui pilote notre activité économique, véritable sang de nos sociétés industrielles qui conditionne autant le travail que le capital.
Plus d’un milliard d’emplois dans le monde sont menacés.
Ordre et désordre de la mondialisation de l’économie, de l’écologie et de la science, à l’heure de l’interdépendance des membres d’une même civilisation et non plus du choc entre civilisations étrangères les unes aux autres.
Nécessité de se créer une nouvelle identité globale dans un monde où les institutions nationales s’avèrent incapables de gérer cet ensemble de situations complexes sans précédent.
Et tout en même temps, décalage des systèmes politiques nationaux mis en place… puisqu’il est impossible de démondialiser l’économie, l’écologie et l’avancée de la science dans une tentation d’un retour aux nationalismes réactionnaires…
Il s’agit, dès lors, non pas d’instaurer un utopique et irréaliste « gouvernement mondial », mais de mondialiser la politique.
Et ce, en donnant plus de poids aux problèmes et intérêts mondiaux dans tous les comportements — qu’il s’agisse de l’embauche, de la consommation, de l’investissement, de l’exportation — de tous les agents économiques.
Plaidoyer pour un « Altruisme désintéressé comme conséquence d’un altruisme intéressé » (3).
Ou comme le dit Morin, il va falloir apprendre à « Naviguer dans un océan d’incertitude à travers des archipels d’incertitude » (4).
Sachons faire de cette époque troublée, un moment de dépassement, un changement de paradigme.
Négocier avec l’Incertitude telle est la gageure !
Ann Defrenne-Parent
ENTRORGER
(1) TANNOUS M.-N., PACREAU X., Relations internationales , La documentation française, 2020.
(2) Développée par l’économiste japonais Yoichi Kaya en 1993 dans son ouvrage Environment, Energy and Economy : strategies for sustainability, celle-ci se définit comme le produit des ratios suivants :
CO2 = population X (PI/population) X énergie/PIB X (CO2/énergie)
Autrement dit :
les émissions mondiales de CO2 = la population mondiale X le pouvoir d’achat mondial moyen X l’intensité énergétique mondiale moyenne X le mix énergétique mondial moyen.
L’équation Kaya établit un lien entre les quatre facteurs suivants :
Les émissions mondiales de gaz carbonique, en CO2 ;
La consommation mondiale d’énergie primaire, en TEP (Tonne Équivalent Pétrole) ;
Le PIB, en dollars ($) ;
La population mondiale, en milliards.
(3) ATTALI J., L’économie de la vie : se préparer à ce qui vient, Fayard, 2020.
(4) MORIN E., Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur , Poche, 2015.