Le Parlement européen vient d’adopter un mécanisme permettant aux constructeurs automobiles de lisser leurs émissions de CO2 sur trois ans, au lieu d’une seule. Cette décision, motivée par les difficultés économiques du secteur, suscite un débat intense sur la cohérence des engagements en matière de responsabilité sociétale des entreprises.
Une flexibilité réglementaire face à un secteur en tension
L’assouplissement voté le 27 mai par le Parlement européen constitue une révision majeure des modalités d’évaluation des émissions de dioxyde de carbone dans l’automobile. Jusqu’à présent, les constructeurs étaient contraints de respecter des plafonds annuels stricts, sous peine de sanctions financières lourdes. Dorénavant, les émissions seront évaluées sur une moyenne triennale couvrant la période 2025-2027. Cette mesure vise à éviter des amendes immédiates à une industrie confrontée à la double pression de la transition vers les véhicules électriques et de la concurrence internationale accrue, notamment chinoise.
Cette souplesse est notamment saluée par les représentants du secteur automobile européen, qui estiment que les objectifs climatiques, certes indispensables, doivent s’accompagner d’une certaine pragmatisme pour ne pas fragiliser les chaînes de production et préserver l’emploi. L’eurodéputé Pascal Canfin (Renew) estime que ce compromis « répond à une pression économique réelle tout en maintenant un cap environnemental ». Néanmoins, cette mesure intervient dans un contexte où les émissions liées aux transports restent l’un des postes les plus difficiles à maîtriser en Europe, pesant toujours pour 20% des gaz à effet de serre du bloc.
Un décalage entre les discours volontaristes des constructeurs automobiles et la réalité
Du point de vue de la responsabilité sociétale des entreprises, ce changement soulève plusieurs questions cruciales. D’une part, il remet en lumière les tensions entre impératifs économiques et objectifs de développement durable. Si la flexibilité offerte permet de soutenir une industrie stratégique, elle peut aussi apparaître comme un frein à l’innovation et à la réduction rapide des impacts environnementaux, ce qui va à l’encontre des principes mêmes de la RSE.
D’autre part, cet assouplissement est susceptible d’influencer la perception des parties prenantes, notamment des consommateurs et investisseurs, de plus en plus attentifs aux engagements environnementaux concrets des entreprises. La décision européenne peut créer un décalage entre les discours volontaristes des constructeurs sur leur contribution à la transition énergétique et les réalités opérationnelles qui traduisent un report des efforts. Ce hiatus met en exergue l’importance pour les entreprises du secteur de renforcer la transparence et la communication autour de leurs stratégies RSE, afin d’éviter une dégradation de leur légitimité sociale dans un contexte de vigilance accrue sur les pratiques durables.