200 000 barils radioactifs engloutis dans l’océan mais jusqu’à quand ?

Plus de 200 000 fûts de déchets radioactifs reposent dans les profondeurs de l’Atlantique.

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200 000 barils radioactifs engloutis dans l'océan mais jusqu'à quand ?
200 000 barils radioactifs engloutis dans l’océan mais jusqu’à quand ? | RSE Magazine

Depuis des décennies, l’Atlantique nord-est cache un sacré secret sous ses flots : plus de 200 000 fûts de déchets radioactifs ont été confiés à ses profondeurs entre 1946 et 1993. À l’époque, cette pratique était considérée comme sûre, mais aujourd’hui, les inquiétudes sur l’état de ces barils et leurs possibles répercussions sur la pollution marine poussent les scientifiques à en savoir plus.

Un héritage d’immersion controversé

Pendant longtemps, 14 pays, dont la France, ont choisi de vider leurs déchets radioactifs dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique. Ces opérations ont abouti à la création de plus de 80 sites d’immersion où les fûts reposent à environ 4 000 mètres de profondeur. Les déchets embarqués, majoritairement de très faible, faible et moyenne activité, sont encapsulés dans du bitume et du ciment pour tenter de contenir leur diffusion.

La pratique a été définitivement stoppée par la convention de Londres en 1990, mais on n’envisage pas de remonter les fûts. Pour donner une idée, la radioactivité totale des déchets immergés est estimée à environ 85 000 térabecquerels. Parmi ces radionucléides figurent le césium-137, dont la demi-vie est de 2 ans, et l’uranium 238, dont la demi-vie impressionnante est de 4,5 milliards d’années.

Une expédition scientifique ambitieuse

Pour mieux connaître l’état de ces barils et leurs répercussions sur l’environnement marin, une équipe mixte composée d’experts du CNRS, de l’Ifremer et de la flotte océanographique française se lance dans une expédition. Ils partent le 15 juin depuis Brest pour une mission de 26 jours. Au cœur de l’opération, le robot autonome UlyX, capable de descendre jusqu’à 6 000 mètres.

Javier Escartin explique : « C’est un robot qui peut plonger jusqu’à 6 000 mètres de profondeur. Il pourra utiliser des systèmes de type sonar pour faire des cartes sur des zones larges et détecter la position des barils. » Grâce à cette technologie de pointe, l’équipe prévoit de cartographier une zone abyssale qui s’étend sur 6 000 km².

Défis techniques et enjeux pour la nature

Le but principal est de non seulement localiser les fûts mais aussi d’évaluer leur état grâce aux photos prises par UlyX. L’équipe va aussi prélever de l’eau, des sédiments et même des organismes marins.

Il faut savoir que ces barils étaient conçus pour durer entre 20 et 25 ans – une durée largement dépassée aujourd’hui. Déjà dès l’an 2000, Greenpeace avait signalé leur dégradation avancée dans certains endroits, comme la fosse des Casquets. Un point d’inquiétude particulier est le strontium 90, qui peut facilement se retrouver dans la chaîne alimentaire marine.

En route vers une meilleure compréhension scientifique

Les abysses, souvent perçus comme des étendues désertiques, abritent en réalité une biodiversité insoupçonnée qui pourrait être perturbée par ces déchets nucléaires. Javier Escartin rappelle que cette mission ne vise pas à juger le passé, mais plutôt à utiliser cette situation historique pour mener des études scientifiques approfondies.

Patrick Chardon ajoute : « C’est le reflet d’une période de l’Histoire » où les échanges entre États étaient limités et où les activités nucléaires étaient en plein boom. Actuellement, nos connaissances sur ces immersions restent encore assez maigres.

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