RSE Magazine
 
RSE Magazine
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Partager

La liminarité : 1er frein des élections ?

Sébastien BOLLE
27/02/2022



Nous sommes en dernière ligne droite de l’élection la plus importante de l’hexagone, la présidence de la République. Sans juger la forme, il y a un constat indéniable, c’est la quasi-absence du sujet climatique dans son aspect systémique alors qu’il est le 3e sujet attendu par les Français (1). Il semblerait, au constat du volume d’encre ou du nombre de caractères sur les réseaux sociaux, que les potentiels futurs candidats n’aient pas inclus, au cœur de chaque thématique, un regard durable aux programmes des cinq prochaines années. Pour quelles raisons profondes ? Comment en est-on arrivé là ? Et si la liminarité (ou liminalité) de notre système était une première brique de réponse ?



Photo : Ariane Fauchille
Photo : Ariane Fauchille
Inhabitabilité de la planète 2021 : « on a sur-performé ! »

Peu affiché dans les médias de masse, qui pourtant apprécient la croissance, la performance, et le dépassement des objectifs, 2021 a été l’année de tous les records (2) et rentre dans le top 7 des années les plus chaudes au niveau planétaire jamais mesurées depuis l’invention du thermomètre. Le +1 °C global depuis l’ère préindustrielle est franchi. Cette tendance se fait ressentir bien sûr dans l’hémisphère Nord avec des records de perturbation en cette saison avec même des incendies en Californie aidés par les 32 °C relevés en hiver ; des Jeux Olympiques sans neige naturelle ou bien encore le dépassement, de façon irréversible, de la 5e des 9 limites planétaires venant impacter les capacités à résider correctement sur notre oasis bleue (3).
Ces éléments viendront alimenter la « boite noire de notre civilisation » que des scientifiques au niveau international sont en train de réaliser. Cette dernière aura pour but de collecter les étapes clés d’un écosystème connaissant son destin, sans arriver à éviter sa chute. L’idée est ici que cela puisse, éventuellement, servir à d’autres civilisations afin de ne pas en reproduire les mêmes erreurs que les nôtres. (4)
 
Et la liminarité dans tout cela ?

Ce terme désigne un état intermédiaire entre deux positions stables d’un système. Au départ décrit dans un prisme de rite de passage, puis utilisé dans la gestion des processus ou même d’une civilisation, la liminarité présente la position d’une structure qui a quitté son état précédent, mais qui n’a pas encore atteint son état suivant.

Nous, citoyennes et citoyens de ce monde de 2022, connaissons les grandes lignes du « monde d’avant », un monde de croissance infinie sur une planète finie. Ce monde génère des biens, produits et services à partir d’énergie et de matières premières renouvelables ou non. La population imagine les grandes tendances du « monde d’après » sans pour autant pouvoir vraiment le visualiser, le concrétiser, s’y projeter, l’aimer.

Et c’est bien là, peut-être, l’un des principaux freins à l’ajout du sujet de la transformation de notre modèle de société dans cette campagne électorale. Qui oserait se projeter sur un puzzle dont nous ne connaissons pas encore l’intégralité des pièces ?  Cet état intermédiaire vient perturber la stabilité de penser, la façon de s’imaginer part d’un système résilient, inclusif, équitable, stable et soutenable.
 
Le puzzle des ODD ?
     
Ce monde d’après a pourtant été modélisé par les plus grands scientifiques depuis la découverte de cette forme d’impasse du système global dans le Rapport Meadows de 1972. Et nous ne parlons pas ici juste de climatologue, mais bel et bien d’économistes, chimistes, écologues, spécialistes en gestion systémique appuyés par le corps étatique mondial.

Les 17 objectifs du développement durable de l’ONU permettent d’accélérer cette phase de liminarité et de basculer vers un monde où les limites planétaires sont au cœur du sujet politique, ces dernières garantissant bien évidemment les capacités à vivre dans les meilleures conditions.

Cette cartographie colorée est à disposition de toutes les parties prenantes et peut ( doit) servir de feuille de route. L’aspect pédagogique pourrait permettre des avancées majeures dans cette transition. Jean JOUZEL nous l’a rappelé dernièrement «Toutes les formations, de toutes les filières et de tous les niveaux, doivent se mobiliser pour transmettre les connaissances et compétences utiles à la transition écologique». (5)

C’est peut-être ainsi que le débat lors d’élections majeures pour notre pays pourra rentrer en phase avec son propre futur.
D’ici là, n’oublions pas l’essentiel :  tout est encore possible. Chaque vote, chaque geste, chaque action citoyenne peut dessiner un futur meilleur. La RSE et les ODD sont bien là pour nous guider.
 

Sébastien BOLLE
Président Reso2d
 
-1 - https://www.sudouest.fr/elections/presidentielle/presidentielle-pouvoir-d-achat-sante-quelles-sont-les-preoccupations-des-francais-7963040.php
-2 - https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2021-est-l-une-des-7-annees-les-plus-chaudes-jamais-enregistrees-confirme-l-onu-20220119
-3 - https://www.franceculture.fr/environnement/pollution-chimique-sur-neuf-limites-planetaires-cinq-ont-desormais-ete-depassees
-4 - https://youtu.be/BuEiEcwbEuU
-5 - https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/02/16/transition-ecologique-le-climatologue-jean-jouzel-propose-une-formation-dans-toutes-les-filieres-de-niveau-bac-2_6113970_3224.html