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Une tablette et des livres dans le cartable : le pari gagnant ?

René Mazol
07/08/2013



A pas feutrés, l’informatique a fait son entrée dans la sphère scolaire. D’abord au niveau de l’individu, car des élèves de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes, disposent désormais d’un ordinateur, presqu’érigé au rang de « fourniture scolaire ». L’emprise de la toile a été plus lente à titre collectif parmi les acteurs de l’enseignement.



Une tablette et des livres dans le cartable : le pari gagnant ?
La plus vigoureuse leçon d’optimisme nous est donnée depuis deux ans par le plus jeune des philosophes. Michel Serres, 83 ans à l’automne, ne cesse d’afficher ses distances avec ceux qu’il nomme avec un humour bienveillant les « papys ronchons ». D’abord dans une allocution à l’Académie française, en mars 2011, puis il y a quelques mois dans un ouvrage intitulé « La Petite Poucette » (éditions Le Pommier, 2013). Il se fait avec fougue et subtilité l’avocat de ces nouvelles technologies, si souvent vilipendées et accusées un peu rapidement de tuer la culture ou de vider l’éducation de son sens.  Avec malice, il rappelle que l’écrit, l’imprimé n’ont pas toujours été portés au pinacle ! Socrate disait : je ne veux pas de l’écriture, je ne veux que de l’oral ! Cervantès, en son temps, tournait en dérision Don Quichotte, rêveur plongé dans les livres et défendait Sancho Pancha ancré dans la réalité.
 
Dans une interview publiée au printemps par le quotidien Libération, le philosophe ajoutait non sans malice que sa grand-mère se désespérait de lui voir…le nez toujours plongé dans les livres ! C’est dire si, à l’inverse de ce qui est couramment véhiculé, le livre n’a pas toujours été perçu comme un « objet sacré », bien au contraire. C’est dire aussi si accuser tablettes et ordinateurs de tous les maux et d’être les vecteurs d’une déculturation intensive est un raccourci inexact et une rigidité intellectuelle.
 
« La technologie est là, profitons en », dit en substance Michel Serres. L’ordinateur « ne remplace pas le professeur, argumente en appui Vincent Peillon, le ministre de l’Education nationale, dans les colonnes de Libération, en juin 2013 ; Pas plus que le livre encyclopédique ne l’avait fait. Je ne crois pas aux logique de substitution ». Pour illustrer son propos, il développe l’exemple suivant dont il a été témoin récemment : au fil des ses ballades sur le Net, un adolescent découvre l’existence de Jack Kerouac. En deux heures, au gré d’une navigation parfaitement maîtrisée sur le plan technique comme tous les jeunes de sa génération, il découvre « Sur la Route », le chef-d’œuvre de l’auteur américain dont il n’avait jusqu’alors jamais entendu parlé. Résultat : le jeune homme se précipite à la librairie la plus proche et se plonge dans l’ouvrage. L’histoire peut sembler idyllique, bien trop exemplaire pour porter à l’optimisme. Peut être pas.
 
A l’évidence, l’Education nationale a pris à bras le corps le sujet et instille du numérique à tous les niveaux de ses interventions. Ainsi, les élèves de sixième en difficulté, issus des zones d’éducation prioritaire pourront bénéficier d’un accompagnement personnel en ligne à la rentrée de septembre 2013 : 30 000 enfants pourront bénéficier de ressources numériques, notamment en français, encadrés par un enseignant.
 
Au-delà de ces actions particulières sur des politiques cibles, le monde de l’enseignement entendu en son sens le plus large a développé une réflexion et attaque maintenant une phase de mise en œuvre pour faire le lien entre nouvelles technologies et transmission du savoir.  L’écriture est de toute évidence le medium commun à toutes les formes de connaissances enseignées »,  notait dès 2009 le philosophe Bernard Stiegler, directeur de l'Institut de recherche et d'innovation (IRI), professeur à l'Université de technologie de Compiègne. Il préconisait de « repenser et enrichir le concept des manuels scolaires qui ont été conçus à l’époque de Jules Ferry - d’ailleurs génialement - au sens où ils consistaient à établir un cahier des charges, sous l’autorité de l’Inspection générale mais réalisé par des éditeurs privés. Il faudrait que les disciplines passent aujourd’hui par les pratiques de l’audiovisuel et du web de façon structurelle, que l’on arrive à une pratique massive de cette culture, que les manuels soient conçus dans cette perspective et en partie sur ces supports eux-mêmes ».
 
C’est du reste sur la base des ces réflexions que Jack Lang, ministre de l’Education nationale a bâti sa refonte de l’école, en faisant entrer l’ordinateur à l’école et dans le même temps en revalorisant la place de l’écrit et du livre dès le primaire. A la tête d’Hachette Livre, leader français dans le monde de l’édition scolaire, Arnaud Nourry n’a de cesse de rendre compatible l’évolution numérique et la vitalité de l’imprimé. Observant que « partout, dès leur plus jeune âge, les enfants accèdent au texte, à la culture par le livre », il n’est pas de ceux qui récusent le fameux « cartable numérique ». « Plus se développe la société d’abondance de contenus, plus le monde a besoin de nous, du repère de nos marques, du sens que nos éditeurs donnent en sélectionnant et en améliorant, de la qualité qu’ils offrent tant dans le fond que dans la forme, et qui sont garants de notre avenir », analyse-t-il.
 
Il s’agit donc de travailler en complémentarité, de ne pas construire de digues insubmersibles entre deux vecteurs éducatifs dont la finalité est la même.  Aucun des acteurs –éditeurs dits « classiques » ou éditeurs du numérique- n’y gagnerait. Et à l’évidence, les générations futures seraient alors  les premières lésées.






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