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Rendre la RSE compatible avec la logique marchande?

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20/03/2012



Le 17 février 2012, ERDF votait, dans le cadre d’un conseil de discipline, le licenciement de Jef Duval. Le cas de ce jeune technicien ayant refusé de priver un foyer précaire de son accès à l’électricité suscite un débat inédit. Ce dossier touche en effet au cœur des contradictions entre le concept de RSE et la logique marchande propres aux entreprises.



Rendre la RSE compatible avec la logique marchande?
Peut-on exiger d’une entreprise qu’elle accepte de fournir un service gratuitement ? Pour ERDF, la réponse est non. En effet, en décidant du licenciement de l’un de ses techniciens clientèles qui avait refusé de couper l’électricité à une famille précaire qui ne payait plus ses factures, ERDF rappelle à ceux qui l’auraient oublié la vocation première d’une entreprise : générer de la valeur ajoutée en commercialisant des biens et des services payant. En d’autre terme, une entreprise ne saurait fonctionner si ses clients ne la payent pas.

Si la réaction d’ERDF est très claire et en aucun cas surprenante, l’issue du dossier est beaucoup moins certaine. En effet, le contentieux entre Jef Duval et son employeur devrait être porté devant les prud’hommes. Or en l’absence de toute jurisprudence quant au désaccord moral entre une entreprise un de ses salariés, ce sont les juges qui donneront véritablement le ton sur cette affaire.
 
À n’en pas douter, les magistrats en charge du dossier auront en tête les statuts et le régime juridique qui s’applique à ERDF ainsi que le droit du travail. Ces deux éléments de législation fondent véritablement la légitimité d’ERDF à réclamer le paiement de ses prestations ainsi qu’à exiger l’obéissance de ses salariés. La position du fournisseur d’électricité peut donc a priori se prévaloir de la légalité.

Néanmoins, ERDF est aussi liée à l’État par sa mission de service public. Dans le cadre de cette mission en effet, l’entreprise est chargée de garantir l’accès à l’électricité de tous les usagers nationaux. Les obligations d’ERDF à l’égard de l’État ne lui imposent évidemment pas la gratuité des prestations. Pour autant, la privation de ménages en situation d’extrême précarité pourrait être interprétée comme contradictoire avec l’esprit de la mission de service public d’ERDF.

Par ailleurs, le contexte normatif dans lequel évoluent les entreprises est aujourd’hui particulièrement concerné par les retombées sociale et environnementale de leurs activités. Le concept de RSE participe de ces nouvelles considérations. Ainsi, la loi Grenelle II de juillet 2010 impose notamment aux entreprises introduites en bourse – comme c’est le cas d’EDF qui détient ERDF – de rédiger un document faisant état de leur prise en compte des conséquences environnementales et sociales de leurs activités et celles de leurs filiales. Il appartiendra donc aux juges de décider si ERDF s’est acquitté ou non de ses obligations en matière de RSE à l’occasion du récent épisode conclu par le licenciement sans avertissement de Jef Duval.
 
La prétention d’ERDF à réclamer le paiement de ses prestations ainsi qu’à obtenir l’obéissance de ses salariés est tout à fait légale. Néanmoins, tant la décision expéditive de licenciement que la condition exceptionnelles des foyers précaires en défaut de paiement pourraient être prises en compte par les juges des prud’hommes qui auront la charge du dossier Jef Duval. En effet, en l’absence de jurisprudence pour trancher la question d’un désaccord moral entre salariés et employeurs, il est envisageable que les magistrats contestent la décision du licenciement. Par ailleurs, si la justice venait à invoquer la responsabilité sociale de l’entreprise pendant l’instruction aux Prud’hommes, c’est la légitimé d’ERDF à couper l’électricité à des foyers précaires qui pourrait à terme être remise en question. Au-delà d’une seule affaire de licenciement, le cas de Jef Duval et d’ERDF soulève donc un question de fond : celle de la moralité dans l’entreprise.





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