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Pour une réhabilitation du sens critique à l’école

Cédric Dumoulin
07/04/2015



Au lendemain des attentats de début janvier, l’enquête annuelle conduite par OpinionWay pour le Cevipof traduisait un inquiétant conservatisme s’agissant de la mission de l’école. En effet selon les Français, l’institution doit « donner avant tout le sens de la discipline et de l’effort» (64%) plutôt que « former des gens à l’esprit critique » (35%). Un coup dur pour la politique éducative républicaine qui met le développement du sens critique au centre de ses enseignements.



Aux fondements de l’école républicaine

Construire l’autonomie de jugement, telle est l’une des missions que s’est fixée l’école républicaine. L’idée est que l’instruction permet de s’affranchir de toute tutelle et contribue à raisonner en toute liberté. Car l’instruction  républicaine libère des préjugés, des lieux communs pour éveiller l’élève à lui-même. En favorisant son émancipation intellectuelle, l’école fait grandir ses potentialités. « L’instruction véritable est une école de liberté qui dispose chacun à n’admettre pour vrai que ce à quoi il consent de plein gré après examen rationnel» souligne Henri Pena-Ruiz, philosophe et écrivain français. De plus, la maîtrise de la langue ou des bases scientifiques prépare l’individu à une vie civique et responsable. L’autonomie et l’initiative sont alors encouragées pour former l’esprit critique.

Ces valeurs sont consacrées dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture promu par l’Education nationale. « Je crois que le développement du sens critique est un élément fondamental et c'est là où l'on s'aperçoit que la base éducative ce n'est pas d'apprendre à lire pour mettre une syllabe derrière une autre. Compter ce n'est pas additionner, c'est raisonner » souligne Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Economique Social et Environnemental. Ainsi, l’école républicaine fait le pari de la rencontre avec l’autre, qui permet une synergie des savoirs, une ouverture d’esprit. L’individu est non seulement amené à respecter des règles mais également à les penser, les questionner. Cette éducation socialisante jette les bases de l’esprit critique. Dans ce contexte, le professeur joue un rôle bien particulier. Il ne contraint pas au savoir, pas plus qu’il ne l’impose. Il le délivre et permet à l’élève de devenir un esprit averti.
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Transmettre le savoir : impartialité et responsabilité

L’enseignant doit combattre les dérives, à savoir imposer un point de vue et poser un enseignement dogmatique et non objectif. Car l’esprit critique n’est pas inné. Etayer ses choix et argumenter résultent d’un long processus qui mature tout au long du parcours scolaire (et au-delà). Le professeur porte de ce fait une responsabilité particulière dans la transmission du savoir et la construction de l’esprit critique. Cette responsabilité est d’autant plus forte que nous subissons un déluge d’informations. « Le rôle de l’éducation est d’apprendre à faire le tri parmi toutes ces informations et de rechercher les cohérences. L’intelligence se construit en oubliant. Il faut rendre les enfants capables de réfléchir. […] C’est tout le problème de l’école qui, autrefois, était le lieu où on allait chercher du savoir. Aujourd’hui, les enfants peuvent trouver le savoir de tous les côtés. De ce fait, l’école est encore plus nécessaire pour mettre en cohérence toutes ces informations. C’est beaucoup plus difficile » explique Albert Jacquard, généticien et écrivain,  lors d’un débat intitulé «  Déluge d’information et esprit critique ».

Le terrain est particulièrement glissant dans vis-à-vis de certains enseignements tels que l’histoire, la philosophie, l’économie et les sciences sociales qui ont des liens étroits avec les questions politiques et morales, comme l’explique Arnaud Parienty, professeur agrégé de sciences économiques et sociales, pour lequel ces enseignements doivent, « prêter une attention particulière à l’objectivité ». Aussi, « pour dépasser ce problème, certains ont pu imaginer de limiter l’enseignement aux questions les plus consensuelles » critique-t-il. Car le développement du sens critique ne saurait trouver de salut que dans l’objectivité des enseignements. Le travail est donc particulièrement complexe pour les professeurs et les éditeurs de manuels scolaires qui portent une responsabilité dans cette mission d’impartialité. Il leur incombe de trouver les « bons mots » et de transmettre des connaissances sans parti pris.

« Plus que jamais, les libres penseurs du monde ont besoin de nous et ont besoin des livres pour passer leurs messages », rappelle Arnaud Nourry à la tête d’Hachette Livre, dans un contexte médiatique où « la priorité est donnée à la rapidité plutôt qu’à la précision ou à l’objectivité». Le PDG d’Hachette, conscient de la responsabilité des auteurs et des éditeurs dans l’éveil du sens critique des élèves, ne manque d’ailleurs jamais une occasion de rappeler combien les métiers du livre sont porteurs d’avenir pour nos démocraties.

Autre piste à explorer, celle portée par un renouveau de la pédagogie qui consiste à valoriser de nouveaux apprentissages. Libérer la parole de l’élève et favoriser l’expression orale face à la « toute puissance » de l’écrit, en fait partie. Il s’agit de faire fructifier les échanges dans une école qui peine parfois à apprendre (à prendre ?) la parole, comme le suggère l’enseignante Sandra Bepoix dans « Comment parvenir à développer l’esprit critique des enfants à travers le langage oral et à quelles fins ? ». Il importe en tout cas de mettre fin à la tentation du repli sur soi et de l’ordre bien-pensant, qui conduirait à transformer l’école en « caserne  du savoir».







1.Posté par durand le 10/04/2015 22:12
ouf ! merci pour cet article ainsi qu'à Mr Henri Pena -Ruiz rappelant l'essentiel de la mission, de l'éducation national en République démocratique laique Française; "on ne naît pas citoyen on le devient¨^
mission que tout parent devraient se donner en prétendant élever et éduquer leurs enfants (êtres en devenir)
pensées pour Bruno, Copernic,Galilée, Léonard de Vinci, Einstein, Alan Turing, etc..nos ancêtres républicains de 1789, A Lincoln,etc... Picasso,Dali ETC
Cordialement
gloria Durand

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