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Mobilité urbaine et écologie : le pari des bus électriques français

Grégoire Moreau
06/06/2014



L’avenir est aux transports électriques, plus personne n’en doute. Mais les motivations écologiques restent insuffisantes pour franchir le pas : l’électromobilité doit aussi trouver son business-model. Souhaitant disposer d’un parc 100 % électrique d’ici 10 ans, la RATP pourrait bien donner l’impulsion qui manquait au secteur. Mais pour bien faire, encore faudrait-il en faire profiter le secteur français des Greentech, seul susceptible d’amorcer une transition énergétique encore bien peu sensible.



La question du rechargement sera dimensionnante, pour les futurs réseaux de bus mais aussi pour l'avenir des véhicules électriques autonomes (Licence Creative Commons)
La question du rechargement sera dimensionnante, pour les futurs réseaux de bus mais aussi pour l'avenir des véhicules électriques autonomes (Licence Creative Commons)
Solutions économiquement viables
 
« La solution de l’électrique n’est plus un luxe d’écologiste convaincu, c’est devenu aussi un choix économique rationnel et pertinent », résume Christophe Gurtner, PDG de Forsee Power, intégrateur en systèmes de batteries. Les technologies sont connues et maitrisées pour une bonne partie. Reste à structurer la filière pour générer des effets de volume et ainsi réduire les coûts. Car en dehors des initiatives isolées, l’électromobilité en France est encore un vœu pieux, à mettre en parallèle d’une transition énergétique dont on ne sent pas vraiment la réalité. Le projet de la RATP et du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), portant sur le remplacement de 4500 véhicules de transport public, pourrait être l’occasion d’un véritable démarrage.
 
Le STIF est bien conscient des réalités de la filière industrielle : « le changement complet du parc se fera dans des délais que nous souhaiterions plus rapides. Mais sachant que nous souhaitons favoriser des achats français, il faudra laisser le temps aux industriels français et franciliens de faire évoluer les produits qu’ils proposent », explique Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy, conseillère régionale, Présidente de la Commission Investissements et suivi du contrat de Projet au STIF. Elle ajoute : « Pour les constructeurs, c’est à la fois une opportunité à saisir et une façon de parier sur l’avenir, de montrer à l’Europe et au reste du monde que nous avons les ressources pour être une nation leader en technologie environnementale. C’est aussi l’occasion, dans des secteurs R&D fragilisés par la crise, de renouer avec l’emploi et la croissance et de retrouver notre rôle de fer de lance en matière d’innovation écologique et de Greentech. » Si les ambitions du STIF sont louables, elles sont pour l’instant quelque peu prématurées : l’offre de bus électriques industrialisables et exploitables sur les réseaux n’existe quasiment pas.
 
Une période de transition inévitable
 
Tous les acteurs du dossier en sont conscients : le passage aux bus 100 % électriques prendra du temps, et l’hypothèse d’une décennie semble réaliste pour y parvenir. Pour la RATP, le premier défi écologique et économique consiste à préparer la transition. « Nous voulons un produit différent de ce qui existe aujourd’hui. La solution est encore à construire. La RATP veut être le prescripteur de cette mutation et permettre l’émergence d’une filière industrielle qui, à terme, deviendra rentable. Il faut un signal pour que les industriels français et européens se préparent. Et ce signal, nous l’avons lancé », explique Pierre Mongin. Il ajoute par ailleurs : « Il faut que les industriels comprennent qu’on doit rejoindre le prix d’un bus standard en électrique le plus vite possible. Pour que ça fonctionne, il faut un donneur d’ordre massif en un temps restreint : c’est la RATP. Cela n’a jamais été fait à cette échelle ». Une manière d’envoyer un signal aux industriels concernés sur ce qui sera une des clés du contrat à neuf milliards d’euros : le prix des futurs matériels.
 
Iveco-Bus, un des fabricants de bus le plus en avance sur la question du bus électriques, s’inscrit en plein dans cette continuité de la transition : « d’un point de vue technique, l’enjeu et l’urgence sont d’abord le renouvellement et l’élimination des véhicules diesel les plus anciens et les plus polluants, aux normes Euro 2 ou Euro 3 », indique Philippe Grand, directeur des relations institutionnels d’Iveco-Bus. Il ajoute que des tentatives de véhicules autonomes électriques ont déjà eu lieu, mais que, faute de technologies de batteries suffisamment abouties, ces solutions n’avaient pas trouvé leur public : « Concernant les véhicules électriques autonomes, nous avons déjà sorti il y a plusieurs années des bus de gabarit moyen sur batteries qui embarquaient environ une trentaine de personnes, en plus d’une grande quantité de batteries. Nous ne disposions pas à l’époque des technologies de batteries de maintenant. Du coup c’était à l’époque des véhicules chers, pas très fiables, et donc, commercialement parlant, loin d’être une réussite. »
 
Des technologies maitrisées
 
La donne a changé aujourd’hui, notamment avec les systèmes de batteries, reconnus pour être la technologie critique de l’ensemble. Mais les bus présentent un autre avantage pour l’avenir de la filière : « l’intérêt de cette technologie, dans le cas des bus, c’est que l’on dispose d’une flotte captive sur des trajets prédéfinis dont on connait exactement la longueur. […] il va être possible d’adapter finement le système de batteries au besoin et d’obtenir les meilleures performances possibles sur un type de trajet donné : une tournée de bus d’une journée, ce n’est pas forcément beaucoup de kilomètres parcourus, sachant qu’il y a entre autres la nuit pour recharger », explique le PDG de Forsee Power, spécialiste francilien des batteries. Le cas des voitures individuelles est nettement plus complexe parce que le besoin réel est beaucoup moins normé et beaucoup plus vaste. En plus des effets sur le coût de toutes ces technologies, les bus permettront de tester plusieurs solutions de batteries et différentes technologies de propulsion et de recharges. De quoi faire mûrir les technologies pour la voiture électrique, encore pénalisée par les inquiétudes autour de l’autonomie.
 
Dans tous les cas, en plus d’améliorer la qualité de vie des Franciliens, le projet de la RATP sera l’occasion pour les industriels de rassembler des informations et d’acquérir une expérience précieuse pour l’avenir. De quoi peut-être, enfin, voir la voiture électrique autonome se diffuser, à hauteur des enjeux environnementaux.
 






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