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Mine de lithium dans l’Allier : décryptage factuel de l’impact sur l’eau

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22/06/2023



Outre le sujet des émissions de C02, c’est la question de l’eau qui cristallise des angoisses relatives à la dimension ‘amont” de l’industrie des véhicules électrique. Si l’extraction du lithium est un processus qui nécessite de l’eau (comme d’innombrables procédés industriels), les mines de lithium sont souvent dépeintes de manière un peu hâtive comme des gouffres de consommation hydraulique, sans que des données précises ne soient avancées. Il s’agira donc ici de tenter d’apporter un éclairage dépassionné et factuel sur ce sujet.



En cet été 2023, la question de l’eau s’impose comme une thématique cristallisant l’inquiétude croissante de la société française autour des questions environnementales. La question des mégabassines (vastes réservoirs d’eau dédiés à l’agriculture) a ainsi récemment mobilisé les militants écologistes (Saint-Soline) et fait couler beaucoup d’encre. Ce sujet s’étant conjugué avec celui de la sécheresse, la question de l’eau a ainsi pris une place prépondérante dans l’espace public, et certains discours alarmistes sur le sujet concourent à faire de gestion de l’eau un sujet d’inquiétude croissant. Depuis plusieurs mois, le sujet du lithium (ce métal étant le composant principal des batteries lithium-ion qui équipent les voitures électriques) occupe également une place croissante dans le débat public dans le contexte de la transition énergétique. L'Union européenne s’est en effet résolument engagée en faveur de l’électrification comme levier vers la décarbonation de l’économie. 

La raison pour laquelle l’extraction du lithium est perçue comme particulièrement gourmande en eau réside sans conteste dans les spécificités des mines sud-américaines, qui utilisent un procédé nécessitant d’importantes quantités d’eau. Rappelons que le continent sud-américain abrite le « Triangle de l’or blanc », espace située aux frontières du Chili, de l’Argentine et de la Bolivie et qui représente à lui seul 60 % des ressources mondiales en lithium. En Bolivie, National Geographic s’est par exemple penché sur la technique d’extraction du lithium utilisée dans le salar d’Uyuni, au sud de la Bolivie. L’immense surface de ce très touristique salar (terme désignant une étendue naturelle de sel) est en effet “parsemée de bassins d’évaporation” contenant la saumure (un liquide transparent composé à 70 % d’eau et 30 % de sel). L’évaporation de l’eau causée par les rayonnements solaires permet d’isoler les sels de lithium qui renferment le précieux or blanc. Or, l’eau utilisée lors de ce processus est prélevée dans le Rio Grande, ce qui n’est pas provoquer certaines inquiétudes, le delta du Rio Grande étant considéré comme l’un des 34 global biodiversity Hot Spots par l’organisme Conservation International. Au Chili, l’extraction réalisée dans le Salar d’Atacama présente les mêmes caractéristiques, et l’activité de SQM (l’entreprise qui exploite les ressources en lithium de ce salar) a été décriée par les communautés locales en raison de son importante consommation d’eau. 
 
Depuis peu, les projets d’exploitation de lithium se multiplient en Europe de l’Ouest afin de répondre à un double enjeu climatique (prise de conscience de la population et engagements pris lors des accords de Paris) et stratégique (souveraineté énergétique, notamment face à la Chine). L’entreprise Savannah Ressource a ainsi récemment obtenu le feu vert de l’Agence Portugaise pour la Protection de l’Environnement afin de développer une mine de lithium à Barroso, dans le nord du pays. Au Royaume-Uni, Cornish Lithium opère également un projet d’extraction de lithium dans le comté de Cornouailles, au sud-est de l'île. En France, c’est dans l’Allier que se tournent les regards, avec le projet de mine sous-terraine porté par Imerys. 

Or, les projets d’extractions en cours de développement en Europe de l’Ouest ont des caractéristiques bien différentes des mines sud-américaines, dont le fonctionnement est avant tout indexé sur les particularités hydrologiques des salars ou est extrait le lithium. Au Portugal, le projet de Savannah Resources ne puisera pas l’eau de la rivière Covas et toute l’eau sera sourcée sur place avec un système en “vase clos” (l’eau sera traitée et ré-utilisée sur le site et jamais évacuée dans les environs). Ces garanties officiellement données par Savannah Resources ont permis au projet de recevoir une déclaration d’impact favorable de la part de l’Agence Portugaise pour la Protection de l’Environnement. Le président de cette dernière, Nuno Lacasta, a ainsi déclaré que cette décision signifiait que le projet de mine respecte “des normes environnementales élevées”. Il s’agit de la première fois que cette agence environnementale valide un projet de mine de lithium au Portugal.  
 
A Echassières dans l'Allier, le projet de mine (qui devrait voir le jour en 2028) se déroule de manière particulièrement prudente. Dans un entretien accordé le 25 mai au journal “La Montagne,” Alan Parte (le Vice-Président du projet chez Imerys) a ainsi rappelé que “la France est le pays où les normes en termes de responsabilité sociale et environnementale sont les plus strictes dans le monde.” Ce très haut niveau d'exigence environnementale se traduit notamment par une longue phase d’études d’impacts qu’Imerys est actuellement en train de mener. Une étude hydrogéologique approfondie menée depuis l’hiver 2022 par le cabinet d’expertise indépendant Antea Group sert notamment à pouvoir quantifier la future consommation d’eau de la future mine souterraine de manière précise. D’après l’ancienne responsable de l'équipe « Eaux Ressources et Géothermies » d’Antena Group Stéphane Depardon, cette étude vise à « construire un modèle hydrogéologique intégrant les cours d’eau et les circulations d’eaux souterraines contenues dans les micaschistes et les granites. L’objectif étant de reproduire de façon mathématique le fonctionnement des hydrosystèmes actuels, et de simuler l’exploitation de la future exploitation minière ».

Sur la base de la précision de cette étude approfondie qui facilite les décisions techniques d’Imerys, Alan Parte a ainsi rappelé que « notre projet sera comparable à ceux lancés dans d’autres secteurs. La consommation brute totale sera de cinq à quinze fois inférieure aux projets sud-américains”. Afin de contextualiser, il a également souligné que « la consommation en eau de l’industrie, en France, c’est 5% de la consommation totale ». Il s’agit en effet du chiffre officiel donné par le Ministère de la Transition Ecologique, qui indique également que « l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau avec 57 % du total ». Entre 2010 et 2018, la consommation annuelle moyenne du secteur agricole en France a donc représenté 2,33 milliards de m3, toujours d’après les données du Ministère de la Transition Ecologique.
 
Afin de rendre les volumes concernés plus intelligibles, M. Parte a indiqué à La Montagne que “la quantité d’eau nécessaire à la fabrication du lithium pour une batterie correspondant à quatre jours de consommation d’eau domestique dans un foyer”. D'où proviendra l’eau utilisée par Imerys ? Elle ne sera pas prélevée dans le massif ni dans les ruisseaux, mais dans la Sioule, une rivière située à une vingtaine de kilomètres du site. Les besoins de la future mine ne représentent que 1/1000eme du débit moyen de cette rivière, et l’entreprise envisage également d’utiliser les « eaux grises » (eaux usées faiblement polluées) en sortie de stations d’épuration. Imerys est par ailleurs bien consciente des inquiétudes que certains écologistes manifestent au sujet de la forêt des Colettes, adjacente à la mine. Les études d’impact effectuées démontrent que le vide sous la carrière ne pourra pas aspirer l’eau : le granit massif présent à cet emplacement est imperméable et très peu fracturé. Alan Parte résume la situation en rappelant que “la mine sera donc installée dans une sorte de cône imperméable.” Répondant aux nombreuses interrogations entourant l’impact de la future mine sur la ressource en eau, Imerys a également indiqué que le projet aurait besoin de 600 000 m3 nets d’eau par an dans ses phases de concentration et de transport (du site de concentration jusqu’au site de conversion). L’étape de conversion (le traitement en aval du lithium) représenterait quant à elle 400 000 m3 nets d’eau par an. Ainsi, le débat public autour du renouveau d’une industrie extractive peut s’appuyer sur des données précises, et le détail technique du projet de mine de lithium dans l’Allier ne semble pas correspondre à la vision alarmiste teintée de sensationnalisme, qui prend parfois le pas sur l’analyse froide du sujet.
 





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