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Laura Verdier : "Sols pollués, menaces sur les populations et la biodiversité"

Interview Bertrand Coty
20/08/2021



Laura Verdier est ingénieur-conseil en environnement depuis quinze ans. Elle a été auditionnée en 2020 par la commission d'enquête du Sénat ayant pour sujet la pollution industrielle des sols.



Laura Verdier
Laura Verdier
Laura Verdier, vous publiez aux éditions Dunod « Sols pollués, menaces sur les populations et la biodiversité ». Comment avez-vous été amenée à dresser ce constat ?

Je suis géologue et ingénieure-conseil en environnement depuis quinze ans, ces menaces liées aux sols pollués j’y suis confrontée tous les jours depuis longtemps. Le risque pour les populations et la biodiversité de la pollution de nos sols est un sujet malheureusement bien connu du monde des professionnels des sites et sols pollués. Mon métier consiste à conseiller les acteurs publics et privés pour mener des dépollutions de leurs sols, souvent pollués par des activités industrielles très anciennes. Je travaille dans toutes la France et même à l’étranger : le sujet de la pollution des sols touche tout le monde, dans les villes comme dans les campagnes… J’ai écrit mon livre sur la base de sites pollués présents dans tout le territoire, du nord au sud de la France, tout le monde est touché.

Quelle est l’ampleur du phénomène et pourquoi tirer la sonnette d’alarme aujourd’hui ?

Le phénomène est d’ampleur nationale. Trop souvent on a tendance à croire que la pollution des sols est liée à un seul site industriel très localisé, mais des sites pollués il y en a partout en France (et en Europe), de plus ou moins grandes tailles, avec un danger plus ou moins maitrisé. Il faut que les décideurs publics et la population soient conscients de ce danger pour leur santé et la biodiversité afin de faire bouger les lignes, d’où ma volonté de tirer aujourd’hui la sonnette d’alarme. Grâce à mon audition par la commission d’enquête du Sénat il y a quelques mois, j’ai pu faire connaitre le sujet et de nombreux sénateurs sont désormais convaincus de la nécessité d’agir, c’est pour cela que quatre d’entre eux, de tout bord politique, ont accepté de témoigner dans mon livre.

Quel est le degré d’urgence selon vous ?

Face à l’urgence climatique, les défis environnementaux ont plus d’échos dans les médias aujourd’hui, les Français veulent savoir, les décideurs politiques commencent à bouger… Il est très important que le Climat, qui est un enjeu environnemental majeur, ne soit pas la seule problématique environnementale mise en avant.

La pollution des sols doit aussi être reconnue comme un sujet majeur et urgent ! Les Français se soucient de la qualité de l’eau ou de l’air, mais pas de la qualité des sols sur lesquels ils vivent et d’où provient leur alimentation. Il y a des enjeux sanitaires lourds, comme la pollution au plomb que je présente dans la banlieue ouest-parisienne, il faut que les Français soient informés des risques, que les pouvoirs publics interviennent, que des dépollutions soient financées.

Quelles solutions proposez-vous pour remédier à cette situation ? Et quels sont les obstacles à leur mise en œuvre à priori ?

J’ai rédigé mon livre sur la base d’exemples concrets, mais aussi en apportant à chaque problème une solution. Tout d’abord il faut que les citoyens soient informés des risques sanitaires liés à la pollution des sols autour de chez eux, la transparence est indispensable pour rétablir la confiance envers l’État. Ensuite il faut que la règlementation évolue en France et en Europe, que demain des contrôles de la qualité des sols soient systématiques sur les installations polluantes (aujourd’hui on ne contrôle la pollution des sols que lorsqu’un site industriel ferme), que toute découverte de pollution soit déclarée aux autorités (aujourd’hui ce n’est pas le cas !). Le principal obstacle est le financement de la dépollution, qui coûte extrêmement cher, on parle très rapidement de centaines voire millions d’euros.

Mais justement, derrière chaque menace il existe une opportunité : le Green Deal européen a été créé pour financer la « révolution verte » : plutôt que de dépenser ses financements en greenwashing, utilisons-les sur de vrais sujets tels que la dépollution des sols, cela créera de l’emploi avec du sens et non délocalisable. Et les industriels peuvent aussi saisir cette opportunité de redorer leur blason : procéder à la dépollution de leurs sols c’est laver la mémoire d’une ancienne industrie polluante, prendre ses responsabilités et montrer les bonnes pratiques actuelles, et ouvrir le chemin d’une réindustrialisation vertueuse de la France.