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L’Arctique, quelle place pour l’Union européenne ?

Urmas Paet
05/04/2022



« Jusqu’à récemment, l’Arctique était principalement une zone de coopération internationale constructive. Elle doit rester une zone de faible tension, dans le respect de ses habitants, de son environnement et du droit international. » Intérêt politique, militaire, économique… l’Arctique reste principalement un écosystème à protéger. L’Union européenne sera-t-elle son bouclier ? Ministre estonien des Affaires étrangères, Urmas Paet nous alerte sur l’urgence de la situation.
Décrit comme le « diplomate durable » de l’Europe, il publie « De spectateur à acteur, Passage à la vitesse supérieure de la politique étrangère de l’UE » (VA Éditions).
Extrait pages 136-138



Une action urgente s’impose

Jusqu’à récemment, l’Arctique était principalement une zone de coopération internationale constructive. Elle doit rester une zone de faible tension, dans le respect de ses habitants, de son environnement et du droit international.
 
Mais l’importance géopolitique de l’Arctique est incontestablement croissante. Le changement climatique a des répercussions non seulement sur la région, mais aussi sur le reste du monde. En conséquence, la fonte des neiges et des glaces a entraîné une concurrence croissante pour l’accès aux ressources naturelles de l’Arctique, une augmentation de l’activité économique et une intensification des tensions entre puissances rivales. L’Arctique étant une zone d’importance stratégique croissante, il incombe à l’UE de coopérer plus efficacement avec ses partenaires pour traiter ces questions et apporter des solutions qui réduisent les tensions.
 
Jusqu’à récemment aussi, le monde s’intéressait surtout à l’Arctique et aux menaces que le changement climatique fait peser sur la région et le reste du monde. Les prémices d’une nouvelle lutte entre puissances rivales avaient reçu moins d’attention.
 
L’UE doit donc être ambitieuse et proactive dans ses politiques vis-à-vis de l’Arctique. Dans cet environnement, des changements rapides ont un prix et si l'UE ne parvient pas à suivre le rythme, elle risque d'être encore plus distancée. Elle doit constamment améliorer ses connaissances sur la région et montrer comment elle peut contribuer au maintien de la paix dans l’Arctique et à la protection de son environnement. Une stratégie globale pour la région doit être au cœur de cette démarche. Il s’agit de s’appuyer sur l’engagement actuel de l’UE en matière de « soft power » – science, recherche, étude de l’environnement – et de prendre des mesures importantes pour renforcer sa cohésion et sa connectivité régionales afin de soutenir le renforcement des capacités dans des domaines qui protègent les intérêts économiques et énergétiques, atténuent les tensions et encouragent la coopération.
 
Une telle stratégie globale doit être durable pour vingt ou trente ans, et non pas être dépassée après deux ou trois ans. Mais nous avons besoin de plus que cela. Toutes les institutions de l’UE doivent mettre davantage l’accent sur la région pour montrer que, si l’UE a réellement l’ambition de devenir un acteur mondial de premier plan, elle doit mieux comprendre ce qui se passe dans le Grand Nord également.
 
Au lieu de l’approche fragmentée actuelle de l’Arctique, l’UE doit s’engager pleinement. Les politiques étrangères, de sécurité, environnementale et économique relatives à la région doivent être mieux alignées. L’UE doit utiliser pleinement les instruments de sa politique intérieure pour soutenir les régions arctiques situées sur son territoire en s’attaquant aux causes du changement climatique et en soutenant un développement économique durable. Mais l’UE doit également utiliser ses instruments de politique extérieure pour encourager une meilleure coopération avec et entre les pays situés au-delà de ses frontières, afin d’atténuer les tensions en matière de sécurité.
 
Nous devons surveiller et analyser en permanence la situation dans l'Arctique, non seulement d'un point de vue politique et militaire, mais aussi en termes économiques, notamment en ce qui concerne les réserves de pétrole et de gaz, ainsi que les couloirs de navigation et de transport maritime. L'UE doit également se montrer plus stratégique dans sa réflexion sur la meilleure façon de tirer parti du potentiel économique de l'Arctique tout en protégeant son écosystème délicat.
 
Il y a bien sûr des opportunités à tirer d’une UE plus engagée dans l’Arctique, notamment en encourageant la coopération entre les partenaires en matière de développement économique durable et d’atténuation du changement climatique. Mais il y a aussi des risques que l’UE ne prenne pas cette responsabilité suffisamment au sérieux ou qu’elle soit complaisante face à la situation sécuritaire de plus en plus tendue à ses portes.
 
La politique de l’UE à l’égard de l’Arctique s’est caractérisée jusqu’à présent par un processus de semi-engagement. Une stratégie clairement définie d’engagement total de l’UE dans la région n’a que trop tardé et est indispensable pour permettre à l’UE de contribuer davantage au maintien de la paix dans l’Arctique et à la protection de son environnement. L’UE ne peut plus se permettre de se cacher la tête dans la neige.