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Entretien avec Dorian Dreuil, secrétaire général d'Action contre la Faim, à propos de la mobilisation citoyenne en France.

La rédaction
17/04/2019



Secrétaire Général de l’ONG Action contre la Faim, Dorian Dreuil publie "Plaidoyer pour l’engagement citoyen, le regard d’un humanitaire" (VA ÉDITIONS, 2019). À travers le récit de ses 10 années d’engagement bénévole, il livre une analyse originale de l’action humanitaire et de l’engagement bénévole. Gouvernance associative, relations avec les entreprises, nouveaux donateurs, Dorian Dreuil répond aux questions de RSE Magazine.



RSE : Sur Twitter, un commentaire qualifie votre ouvrage de « formation accéléré pour les administrateurs d’ONG sur les problématiques de gouvernance ». Comment définir la gouvernance d’une association ou d’une organisation non gouvernementale (ONG) ?

Dorian Dreuil : Ce commentaire est un bon résumé ! Si je ne vends pas beaucoup de livres, j’aurai ainsi un avenir dans la formation et le coaching (rires). Effectivement je parle beaucoup de la gouvernance, car c’est une particularité du modèle associatif français. Ce dernier se distingue ainsi du reste du monde. La gouvernance et la loi 1901 (qui régit la liberté de l’association) marque ainsi la différence de l’associatif avec le monde de l’entreprise. C’est ce qui fait toute sa beauté.

RSE : Vous parlez des entreprises, comment s’organisent les partenariats que vous pouvez nouer avec ces dernières, alors que les démarches RSE se généralisent ?

Dorian Dreuil : Les partenariats avec les entreprises sont des canaux de collectes très importants. Chez Action contre la Faim, sur le même modèle que la Course Contre la Faim auprès des lycéens et collégiens, nous avons développé́ le Challenge contre la Faim. Pendant 1 h 30, les collaborateurs de différentes entreprises participantes marchent, dansent, se dépassent. Pour chaque boucle effectuée, l’entreprise verse 15 € de dons à Action contre la Faim. Cela permet de proposer à des entreprises un évènement fédérateur pour ses collaborateurs. Alors qu’il n’était à son origine qu’organisé à Paris ou à Lyon, cet évènement est aujourd’hui organisé dans plus d’une dizaine de villes en France. Il est porté, lui aussi, par la savoureuse alliance de salariés professionnels et de bénévoles passionnés. C’est un événement innovant qui permet à une entreprise de répondre à la quête de sens de ses collaborateurs. Sur le terrain ensuite, cet événement nous permet de sauver des vies.

RSE : L’innovation n’est-elle au cœur des stratégies de collectes d’une ONG comme Action contre la Faim ?

Dorian Dreuil : Tout au long de ces dernières années, j’ai pu assister à ces changements ainsi qu’à l’apparition de ces nouveaux donateurs. Pour rester ancré dans la réalité des nouveaux donateurs, il s’agit avant tout de comprendre ce qui transforme la manière de donner, de comprendre les évolutions de la société pour mieux s’adapter à de nouvelles contraintes. Pour cela, il faut faire preuve d’innovation, tout en gardant le haut niveau d’exigences vis-à-vis des donateurs qui nous accordent leur confiance. Cette exigence de transparence, de professionnalisme et d’efficacité́, c’est le gage de la confiance, indispensable entre un donateur et notre association. Par exemple, nous avons développé un partenariat innovant avec le groupe UP dans le cadre de l’opération « Je Déj, Je Donne » qui permet au grand public de faire don de la valeur d’un titre restaurant ou d’un chèque cadeau, même s’ils sont périmés. C’est un exemple parmi d’autres de nouveaux modes de collecte, indolore pour celui ou celle qui retrouve des titres restaurants périmés, et qui nous permet de faire la différence sur le terrain. Cette opération a permis d’offrir une seconde vie à plus de 400 000 titres restaurant, soit près de 3 millions d’euros depuis son lancement en 2009. Ces nouvelles opérations de collecte sont aujourd’hui légion, comme plus récemment l’événement « Une Part en Plus ». Les restaurateurs partenaires, plus de 30 chefs en 2017, ont proposé à leurs clients un plat de leur carte dont le prix était majoré d’un ou deux euros, ou la possibilité d’ajouter un don libre à leur addition en fin de repas.

RSE : A côté de ce type de partenariat, vous revenez beaucoup sur un événement, la Course Contre la Faim. Les plus jeunes sont-ils des cibles comme d’autres pour capter de nouveaux donateurs ?

Dorian Dreuil : Je parle beaucoup de cet événement dans mon livre, car je l’ai vécu lors de mes premières années aux côtés d’Action contre la Faim. En courant d’abord en tant que participant, puis en organisant moi-même des courses auprès de mes camarades. C’est un événement fort de l’histoire d’Action contre la Faim En 2018, ce sont plus de 260 000 élèves de 1200 établissements qui ont participé à ce projet dans plus d’une cinquantaine de villes françaises et à l’étranger. En amont, un bénévole d’Action contre la Faim vient dans une classe pour sensibiliser les élèves au problème de la faim dans le monde. À l’issue de la séance, les élèves deviennent de véritables acteurs de la solidarité internationale. Ils sensibilisent leur entourage et les invitent à les parrainer ! Chaque promesse de don sera multipliée par le nombre de tours parcourus le jour de la course. C’est un projet fabuleux qui permet à la fois de sensibiliser les citoyens de demain et d’en faire des ambassadeurs afin de maintenir et de développer nos programmes sur le terrain. Un élève peut ainsi convaincre 10 parrains d’une promesse de dons de 1 €. En multipliant cette promesse et en faisant 10 tours le jour de la course, il collecte à lui seul parfois plus de 100 €. L’engagement, c’est du sport !
L’élève, ce citoyen de demain, n’est plus seulement un donateur. C’est un acteur du mécanisme de collecte, ouvert aux problématiques de la faim dans le monde. Les heures de sensibilisation dans les collèges ou lycées sont incontestablement les plus grands moments qui sont donnés de vivre aux bénévoles d’Action contre la Faim en France. Cet échange entre l’association et l’élève est aussi fort que prenant. Il ne s’agit plus seulement d’appeler à chercher des parrains, mais aussi de partager une indignation. De propager une lueur d’espoir et de faire comprendre, qu’eux aussi, peuvent être de jeunes humanitaires de 16 ans.