RSE Magazine
 
RSE Magazine
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable
Partager

Déconfinement : faut-il rejouer « retour vers le futur » ?

Philippe Cuif
05/06/2020



Dans le film « retour vers le futur » le héros se retrouve projeté dans le temps d’avant dont il essaie de modifier les termes afin de rendre son présent, donc le futur, plus agréable à ses yeux.
S’ensuit une série de quiproquos et malentendus mais aussi la compréhension qu’il n’est pas aisé de modifier les événements du passé pour remodeler le futur sans risquer d’en découvrir des conséquences imprévues.



Photo Piqsels
Photo Piqsels
Sans être un essai de philosophie quantique ou une dissertation sur la causalité, le scénario est suffisamment bien écrit pour pointer du doigt que le temps ne se modifie pas à volonté.

A écouter de nombreux commentateurs mais aussi acteurs de nos vies politiques et économiques on pourrait se demander si ce Covid-19 n’a pas été la DeLorean du film, nous projetant, en l’espace de quelques semaines, dans un nouveau monde. Ce dernier est certes similaire à celui que nous connaissions juste auparavant mais à l’apparence changée, de-ci de-là, par petites touches qui semblent légères et inconséquentes, pour aboutir à un nouveau monde, que certains appellent de leurs vœux, mais qui pourrait se révéler fort différent de leurs rêves.

La Mort qui nous attend tous est un excellent catalyseur de nos craintes, de la volonté de l’éviter et de s’adapter pour cela. Le caractère létal du coronavirus n’aura échappé à personne il n’est donc pas étonnant qu’il ait entrainé une modification, durable ou non telle est la question, de nos comportements.

Le basculement dans le monde du télétravail ne s’est pas traduit uniquement par une substitution du domicile à son bureau mais aussi par la volonté de changer tout simplement de cadre de vie, quittant la ville, ses attraits mais aussi ses contraintes, pour les charmes d’une vie bucolique compatible avec ce nouveau mode de travail nécessitant, peu de choses, des moyens informatiques et une connexion Internet performante.

La technologie abroge les distances et n’interdit pas de se voir et de communiquer. La nécessité présentielle dans l’entreprise pouvant être considérablement réduite et cantonnée, si cela est justifié, à quelques heures hebdomadaires. Les entreprises y trouveraient leur compte et anticipent des économies structurelles et une plus grande flexibilité, les salariés y gagnent en qualité de vie et de travail.

Maintenant, ce monde « télétravaillant » ne concerne pas tout le monde. Les ouvriers à l’usine, les agriculteurs comme les artisans ou commerçants en sont exclus. Cela fait beaucoup de monde quand même. Qui sait si, au fil du temps, ce télétravail ne va pas remettre au goût du jour cette « fracture sociale » des années 90 en transformant en profondeur notre société. Après tout ma santé, mon espérance de vie, mon confort seront certainement améliorés si je peux m’éviter les aléas des transports en commun, du stress des bureaux, des relations épineuses avec mes collègues etc.

En somme, peut-être, aboutir à terme à la cohabitation de deux mondes, pour ne pas dire de deux espèces, ceux qui pourraient tendre à avoir une vie sur mesure et une espérance de vie allongée et ceux qui devront continuer à se lever à 5h du matin avec une espérance de vie réduite par rapport aux premiers. La fracture numérique qui était de temps en temps évoquée prendrait alors une dimension sociétale forte, d’une profondeur susceptible de créer des tensions sociales dont il est difficile d’imaginer les conséquences.

Le clivage Blancs/Noirs qui existe aux États-Unis trouve une grande partie de ses sources, Histoire mise à part, dans l’économie actuelle et les différences de traitement, acquisition d’un patrimoine, proportion de délinquance, différences d’études, orientations professionnelles, état sanitaire et accès aux soins. A ce clivage basé sur la couleur de peau et ses préjugés, peut tout-à-fait se substituer un autre clivage, basé non seulement sur la CSP mais, ça serait plus nouveau, sur un mode d’exercice professionnel tendant à se déconnecter des contraintes professionnelles auxquelles nous sommes, encore, habituées.

De tels clivages sont généralement propices aux mouvements sociaux violents qui feraient passer « la geste » des gilets jaunes pour un calme épiphénomène.
Il va donc être crucial pour les entreprises publiques ou privées qui voudront promouvoir le télétravail de leurs salariés ou collaborateurs de s’entourer d’une communication pointue visant à gommer l’impression de l’émergence d’une nouvelle classe d’élus travaillant tranquillement de chez eux. Ne pas le faire c’est, à coup sûr, prendre le risque d’être victime de manœuvres de dénigrement, d’atteintes à leur réputation, de menaces à l’encontre de leurs salariés ou de leurs prestations et produits. Quand les manifestants cèdent l’espace aux pillards ces derniers privilégient les magasins de luxe et d’électronique pour s’approprier ce qui a de la valeur mais plus encore se donner l’image valorisante d’en être le possesseur et l’utilisateur.

Le monde de demain, comme dans le film « retour vers le futur », devrait être un monde très proche de celui d’avant, les mêmes entreprises, les mêmes personnes, les mêmes technologies mais exacerbées et largement diffusées distinguant ceux qui auront les moyens d’y accéder et ceux qui les observant voudront se les approprier. Autant dire un monde risqué…comme celui d’aujourd’hui.
 
Philippe Cuif
Conseil en cybersécurité
Hypnothérapeute (ericksonien)
Of counsel Panoply





Nouveau commentaire :
Facebook Twitter