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Coronavirus, entre Histoire et reprise d'activité ... Histoire (II)

Eric BONNET Risk Manager
27/04/2020



Aucun établissement tertiaire ou industriel ne devrait être à l'arrêt à cause d'une pandémie. L’homme sait s’adapter aux pires situations. Dire qu'une activité peut fonctionner aussi bien qu'en période saine, serait aussi se baigner d'illusions ou faire courir un risque inacceptable pour les salariés et le public.



Gestes et postures élémentaires pour la reprise du travail

Il faut donc rester lucide, pragmatique sans être en attente de consignes de survie que l’on puisse nous imposer. Quelque soit la dimension d’une entreprise, elle a besoin d’anticiper les besoins sécuritaires.

La première mesure est de faire comprendre ce qu'est le coronavirus (COVID-19). Cela peut paraitre futile mais une partie de la population ne pourrait déjà pas expliquer le phénomène de contagion. Il faut que chaque impliqué dans une organisation de travail soit conscient du risque de propagation à partir de son propre comportement et respect des règles à suivre. Chacun doit comprendre que le simple contact avec le virus par transmission humaine ou par transfert (contamination de l’homme sur un objet, puis de l’objet à l’homme) permet au virus de passer avec facilité d'un humain à un autre. C'est l'étape de compréhension indispensable pour adhérer aux mesures de prévention afin d'éviter une sur-contamination via les échanges professionnels. Cela revient à respecter l'esprit du Code du Travail en matière de prévention des accidents professionnels qui nécessite souvent de dispenser auprès de salariés d’une formation de sensibilisation pour accepter de porter des Equipements de Protection Individuelle (EPI) ou d'éviter d'avoir des comportements à risques. Le chef d'établissement ou d’entreprise, avant même de faire reprendre une activité professionnelle devrait créer un plan de prévention des risques professionnels liés au Coronavirus. Il serait bien imprudent de croire que les tribunaux ne seront pas saisis de plaintes contre des employeurs n'ayant pas respecté leur obligation de sécurité. En l'absence de mesures de prévention écrites et diffusées aux salariés, la notion de faute inexcusable de l'employeur pourrait largement être invoquée en cas de contamination sur le lieu de travail.

Il s'agit ensuite de prendre des mesures de prévention proportionnées et raisonnables pour préserver la santé des équipes au travail. C'est à ce niveau que le juste milieu est difficile à trouver. Les uns trouveront les mesures excessives car principalement trop onéreuses (en moyens ou par entrave à la productivité) ou trop contraignantes, ou encore trop laxistes. Il n'y a en réalité aucune solution commune à tous les établissements et activités professionnelles, tant les cas particuliers sont nombreux. Encore une fois, le bon sens associé à une réelle prise en compte de la dangerosité des effets du virus doit apporter des réponses adaptées. L'objectif principal d'une reprise d'activité ne doit pas être la recherche de profits mais de permettre à sauvegarder une activité en la faisant fonctionner en mode dégradé. Eviter les pertes humaines et financières en attendant la fin de la pandémie ou d’une deuxième vague de contamination, serait déjà un remarquable résultat.

S’il est difficile d'arrêter des mesures de prévention communes à toutes les activités professionnelles, de grands axes à prendre en compte peuvent néanmoins constituer l'architecture d'un plan de prévention professionnel lié aux risques de contamination biologique, propres au coronavirus. Ces mesures sont inspirées de tous les autres plans de gestion de risques d’une entreprise.

Un établissement est à cartographier en zones de surveillance sanitaire. Il doit être en complément découpé en zones de sensibilité qui correspondent à des risques prépondérants de dissémination du virus et qui doivent répondre à des mesures de prévention adaptées (désinfection des mains courantes des cages d’escaliers, poignées de portes, machines collectives, etc.) selon une fréquence à définir en fonction de leur utilisation. Comme en matière de prévention des accidents, des affiches rappelant les consignes sont à apposer aux endroits les plus en vue. Le comportement et les habitudes gestuelles des collaborateurs et du public est à apprécier en utilisant les systèmes de vidéosurveillance existants ou à installer pour la circonstance, qui doivent compléter une observation humaine sur le terrain. Cette observation doit motiver des opérations ponctuelles visant à modifier le comportement des personnes et à désinfecter des surfaces susceptibles d’une contamination par transfert.

Les postes de travail individuels sont à aménager pour respecter la distanciation entre les personnes, quitte à renforcer cette mesure par le rajout entre eux de protections physiques (plexiglas). Imaginons une personne qui tousse et qui projette des fines particules contaminées en suspension dans l'air. Les mesures d'aménagement doivent permettre qu’elles n'atteignent pas les personnes avoisinantes. Quand cela est possible, l'aération naturelle des locaux est permanente.

Chaque collaborateur est à équiper de moyens individuels de protection (masque) et de désinfection pour traiter les objets qu'il est personnellement amener à manipuler ou à toucher. Chacun doit être responsable de la prévention et la désinfection liée à ses propres gestes.

Dans les commerces, l’effectif admissible au public est à réduire par rapport à ce que prévoit la réglementation incendie et d’accessibilité. 600 000 Etablissements Recevant du Public devraient ainsi réduire leur fréquentation  afin d’offrir plus d’espace aux personnes.
Des établissements sensibles comme les Ephad sont contraints d’imposer des mesures sanitaires de prévention renforcées. Elles sont à prescrire en utilisant les infrastructures existantes pour permettre une décontamination systématique des personnes et de leur effets vestimentaires et personnels, passant de l’extérieur à l’intérieur de l’établissement et inversement. Il en est de même de toute livraison rentrant qui doit être entièrement décontaminé au niveau d’un SAS.
Quelque soit l’établissement ou l’activité professionnelle à protéger, le premier vecteur reste la transmission par l’humain et à ce qu’il porte avec lui. Les vêtements portés sont à considérer comme aussi dangereux qu’une personne contaminée qui est en contact physique avec une autre. Il convient donc de les traiter comme souillés par le virus, sans intellectualiser les délais d’imprégnation dans le tissu. Le bon sens veut que l’on prenne des mesures de prévention sans rechercher leur justification scientifique. Elles viendront en temps voulu pour les faire évoluer.     

Les mesures étant à étudier ponctuellement, il est nécessaire de construire un plan de prévention sanitaire qui n’est pas un copier-coller de directives étatiques mais de s’en inspirer en faisant preuve de discernement.
 
Tirer expérience du passé devrait nous permettre de trouver les solutions pour reprendre des activités professionnelles en limitant les risques à un niveau acceptable. Malheureusement, nous semblons avoir perdu notre mémoire collective, ne plus connaître les règles d’hygiène en période de crise sanitaire majeure. Un plan de prévention sanitaire est pourtant la seule réponse aux attentes d’une organisation de travail et du public. Tout réinventer est une perte de temps. L’urgence est de se replonger dans les évidences sécuritaires de la fin du siècle dernier. 

Eric BONNET
Risk Manager
Expert sûreté sécurité
Consultant en Défense Nucléaire Biologique et Chimique
Chargé des formations Risk Magement pour LEX SQUARED avocats