Le 8 juin dernier fut une journée d’émotions et d’effroi à Annecy où un homme de de 31 ans, réfugié syrien a poignardé deux adultes et quatre très jeunes enfants de façon abominable, dans un parc public, et frappant directement au couteau dans les poussettes. Cet acte effroyable a fait apparaitre la figure héroïque d’un autre homme que l’on appelle désormais le « héros au sac à dos » et deux instants, deux passages à l’acte, une pulsion de mort et une pulsion de vie.
Selon le concept freudien, la pulsion repose sur l’idée de « poussée » et décrit, à ce titre, un phénomène dynamique. Cette pulsion, pour sa satisfaction, a besoin d’atteindre un but, c’est-à-dire l’apaisement de la tension qu’elle porte en elle. C’est la survenue d’un « objet » qui va permettre la réalisation de cette pulsion. Ainsi la vocation de cette pulsion est de s’accomplir, de se décharger. L’individu doit libérer la tension, la charge que fait porter cette pulsion en libérant une certaine quantité d’énergie dans le but de « libérer » l’appareil psychique. C’est sans doute une pulsion de mort qui a poussé l’auteur de cette attaque épouvantable à agir et à commettre un acte dont l’atrocité à atteint son paroxysme, mais je laisse aux experts la lourde tâche de son évaluation psychologique.
En revanche, ce qui est particulièrement intéressant à regarder lors de cet événement, c’est l’action de ceux qui sont intervenus pour faire cesser cette attaque et pour tenter de maitriser l’auteur. Un geste héroïque, une pulsion de vie.
Pulsion de mort et pulsion de vie répondent donc à un mécanisme similaire. Une charge énergétique, une montée en pression qui vient provoquer chez l’individu une tension absolument insupportable qu’il faut impérativement libérer. L’une abominable, destructrice, l’autre noble, salvatrice. En sortant à peine de la psychologie freudienne, cela nous conduit vers le récit populaire de l’ogre et du héros. L’opposition duelle entre le bien et le mal avec une souche commune. Les deux éboueurs et surtout le jeune Henri sont devenus les rayons de lumière qui percent l’obscurité, nous rassurant collectivement avec l’humanité. Ce sont eux qui ont agi, qui ont « fait quelque chose » au service du bien, du collectif, de l’humanité. Et c’est un lieu commun chez les forces de sécurité que d’agir en réponse immédiate dans le but premier de « Faire cesser l’agression ». Chaque primo-intervenant potentiel est ainsi formé à la démarche « SAFE » dans le cadre de la réponse immédiate aux attaques terroristes de type tuerie de masse :
S : Stop the burning process (Faire cesser l’agression)
A : Assess the scene (Evaluer/analyser la situation)
F : Free of danger for you (Se mettre en sécurité pour agir)
E : Evaluat (Evaluer les dégâts)
Nous sommes formés, nous nous entrainons à faire face et même si cela reste une bien modeste préparation, les formations positionnent le curseur mental vers un savoir-faire technique intéressant. Car de manière générale, « si je sais faire, je fais mieux, et j’ai moins peur de passer à l’action ».
A l’inverse, et c’est un phénomène que nous pouvons souvent constater chez les victimes de traumatisme du sauveteur (vicariant) ou chez les victimes de stress post-traumatique, c’est le fait de ne pas avoir pu agir correctement qui est source de blessure psychologique. De n’avoir « rien pu faire » ou de « ne pas en avoir fait assez ».
C’est en cela que l’action de ces héros ordinaires est particulièrement remarquable, il s’agit d’un acte empreint d’un humanisme fait d’altruisme et de don de soi. Le risque pour soi-même est si grand lorsqu’il s’agit de faire face à un homme armé d’un couteau ! Même en étant entrainé, affronter un homme armé d’un couteau et déterminer à frapper est un quasi-suicide. Mais c’est bien d’une pulsion de vie qu’il s’agit, d’une volonté de faire le bien d’agir pour protéger. À l’instar de l’acte du Colonel Beltrame en individuel ou des élans collectifs dans les situations de catastrophe, ces orientations positives sont de véritables bouées qui transcendent l’individu au service d’une communauté. La pulsion de vie vient naitre chez celui qui ne supporte pas la situation d’agression, d’injustice, au-delà du risque, elle vient dépasser la peur, surmonter les obstacles, elle donne la force nécessaire à celui qui va libérer cette énergie de bien, cette énergie de vie.
Au collectif, le héros va répondre à un indispensable besoin de cristalliser des valeurs communes et la notion de transcendance, qui pourrait être définie comme l’idée de servir une cause supérieure à celle de ses intérêts individuels. On pourra s’indigner de cette inconsciente prise de risque pourtant, combien de vie ont été sauvées grâce à cette décision d’agir ?
Dans un article du journal L’Opinion1, le général Favier, ancien commandant du GIGN et Directeur de la Gendarmerie nationale, explique que dans le métier qui a été le sien, rien de fort n’aurait pu se faire sans prise de risque :
Selon le concept freudien, la pulsion repose sur l’idée de « poussée » et décrit, à ce titre, un phénomène dynamique. Cette pulsion, pour sa satisfaction, a besoin d’atteindre un but, c’est-à-dire l’apaisement de la tension qu’elle porte en elle. C’est la survenue d’un « objet » qui va permettre la réalisation de cette pulsion. Ainsi la vocation de cette pulsion est de s’accomplir, de se décharger. L’individu doit libérer la tension, la charge que fait porter cette pulsion en libérant une certaine quantité d’énergie dans le but de « libérer » l’appareil psychique. C’est sans doute une pulsion de mort qui a poussé l’auteur de cette attaque épouvantable à agir et à commettre un acte dont l’atrocité à atteint son paroxysme, mais je laisse aux experts la lourde tâche de son évaluation psychologique.
En revanche, ce qui est particulièrement intéressant à regarder lors de cet événement, c’est l’action de ceux qui sont intervenus pour faire cesser cette attaque et pour tenter de maitriser l’auteur. Un geste héroïque, une pulsion de vie.
Pulsion de mort et pulsion de vie répondent donc à un mécanisme similaire. Une charge énergétique, une montée en pression qui vient provoquer chez l’individu une tension absolument insupportable qu’il faut impérativement libérer. L’une abominable, destructrice, l’autre noble, salvatrice. En sortant à peine de la psychologie freudienne, cela nous conduit vers le récit populaire de l’ogre et du héros. L’opposition duelle entre le bien et le mal avec une souche commune. Les deux éboueurs et surtout le jeune Henri sont devenus les rayons de lumière qui percent l’obscurité, nous rassurant collectivement avec l’humanité. Ce sont eux qui ont agi, qui ont « fait quelque chose » au service du bien, du collectif, de l’humanité. Et c’est un lieu commun chez les forces de sécurité que d’agir en réponse immédiate dans le but premier de « Faire cesser l’agression ». Chaque primo-intervenant potentiel est ainsi formé à la démarche « SAFE » dans le cadre de la réponse immédiate aux attaques terroristes de type tuerie de masse :
S : Stop the burning process (Faire cesser l’agression)
A : Assess the scene (Evaluer/analyser la situation)
F : Free of danger for you (Se mettre en sécurité pour agir)
E : Evaluat (Evaluer les dégâts)
Nous sommes formés, nous nous entrainons à faire face et même si cela reste une bien modeste préparation, les formations positionnent le curseur mental vers un savoir-faire technique intéressant. Car de manière générale, « si je sais faire, je fais mieux, et j’ai moins peur de passer à l’action ».
A l’inverse, et c’est un phénomène que nous pouvons souvent constater chez les victimes de traumatisme du sauveteur (vicariant) ou chez les victimes de stress post-traumatique, c’est le fait de ne pas avoir pu agir correctement qui est source de blessure psychologique. De n’avoir « rien pu faire » ou de « ne pas en avoir fait assez ».
C’est en cela que l’action de ces héros ordinaires est particulièrement remarquable, il s’agit d’un acte empreint d’un humanisme fait d’altruisme et de don de soi. Le risque pour soi-même est si grand lorsqu’il s’agit de faire face à un homme armé d’un couteau ! Même en étant entrainé, affronter un homme armé d’un couteau et déterminer à frapper est un quasi-suicide. Mais c’est bien d’une pulsion de vie qu’il s’agit, d’une volonté de faire le bien d’agir pour protéger. À l’instar de l’acte du Colonel Beltrame en individuel ou des élans collectifs dans les situations de catastrophe, ces orientations positives sont de véritables bouées qui transcendent l’individu au service d’une communauté. La pulsion de vie vient naitre chez celui qui ne supporte pas la situation d’agression, d’injustice, au-delà du risque, elle vient dépasser la peur, surmonter les obstacles, elle donne la force nécessaire à celui qui va libérer cette énergie de bien, cette énergie de vie.
Au collectif, le héros va répondre à un indispensable besoin de cristalliser des valeurs communes et la notion de transcendance, qui pourrait être définie comme l’idée de servir une cause supérieure à celle de ses intérêts individuels. On pourra s’indigner de cette inconsciente prise de risque pourtant, combien de vie ont été sauvées grâce à cette décision d’agir ?
Dans un article du journal L’Opinion1, le général Favier, ancien commandant du GIGN et Directeur de la Gendarmerie nationale, explique que dans le métier qui a été le sien, rien de fort n’aurait pu se faire sans prise de risque :
« Mais il convient de distinguer la prise de risque et le risque lui-même. Le risque s’impose à vous et il faut donc prendre toutes les mesures de précaution pour en limiter les effets. La prise de risque, elle, est une démarche volontaire, délibérée, acceptée face à une décision à prendre. »
Chez ceux qui interviennent, je distingue deux catégories d’intervenants. En me basant sur la devise des sapeurs-pompiers de Paris, je retiens un premier profil type appelé les « Sauver ou Périr ». Ce sont ces agents sur les lesquels il est possible de compter sans problème, des agents capables de sacrifier une partie d’eux-mêmes, voire de se sacrifier (périr) dans le cadre de leur mission. Ceux-ci répondent toujours que oui, ils auraient préféré faire partie de l’équipe intervenante même au risque de péril pour soi plutôt que de ne pas en être. Cette catégorie d’agents positionne dans leur mode de pensée le caractère sacrificiel de leur engagement comme un des fondements de leurs professions. La réponse est généralement ponctuée d’un « bien sûr que j’y serais allé ! » soulignant le caractère évident de ce positionnement. L’acte du colonel Beltrame en est l’illustration.
Pour la deuxième catégorie, en se basant sur la devise des sapeurs-pompiers nous les appellerons les « Courage et Dévouement ». Les agents ayant répondu que non, ils auraient préféré être chez eux. Ce sont également des agents fiables, sur lesquels il est possible de compter sans problème, mais leur mode de fonctionnement mental est différent devant la notion de sacrifice. Ces agents ne sont pas prêts à se sacrifier eux-mêmes, dans le cadre de leurs missions professionnelles. Attention, il ne faut pas voir les « Courage et Dévouement » comme manquant de courage. Seulement, leur mode de pensée positionne leur cheminement d’action plutôt dans la réflexion et la stratégie que dans le don de soi.
C’est la différence entre le général Patton et le général Montgomery. L’un fonce, quoi qu’il arrive, l’autre prépare, prend le temps. Face au risque, devant l’immédiateté de l’action, il n’y a toutefois aucune place pour le doute. C’est le temps des héros.
1 MERCHET J-D. (17 mars 2017). « Denis Favrier (ex-GIGN) : “Rien de fort n’aurait su se faire sans prise de risque”. L’Opinion.
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