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Eric Plat :"Les coopératives doivent atteindre un niveau de taille critique afin de rester économiquement performantes"

Entretien le président de la Fédération du commerce coopératif et associé

La Rédaction
06/04/2016



Si les coopératives gagnent du terrain, elles n'en restent pas moins confrontées à une forte concurrence. Elles n'hésitent donc plus à se regrouper afin de gagner une taille critique. L'union fait-elle toujours la force? Eric Plat, président de la Fédération du commerce coopératif et associé, a accepté de répondre à nos questions. Entretien.



Eric Plat
Eric Plat

L’ADN coopératif est-il selon vous un atout de compétitivité par rapport à des acteurs traditionnels du même secteur?

Les réseaux du Commerce Coopératif et Associé sont composés d’entrepreneurs indépendants qui ont fait le choix de ne pas rester isolés en se regroupant afin de mettre en commun leurs moyens et savoir-faire. Ces réseaux de points de vente ainsi constitués s’articulent autour d’une tête de réseau, dont ils sont les propriétaires, qu’ils dirigent, et au sein de laquelle ils définissent et élaborent les stratégies et les moyens qu’ils souhaitent déployer. C’est ainsi que la tête de réseau centralise les politiques d’achat, développe et adapte les concepts de magasins, met en place la stratégie digitale ainsi que tout autre outil nécessaire ; communication, informatique, merchandising, outils de gestion permettant aux points de vente d’optimiser leur performance. Cette mutualisation des moyens confère ainsi à ces entrepreneurs indépendants un avantage compétitif car elle allie la puissance du réseau, de l’enseigne à la dynamique entrepreneuriale de chacun des propriétaires des points de vente.  Par ailleurs elle leur donne accès à des outils, dont seuls ils n’auraient pu disposer et qui sont aussi performants que ceux de grands groupes intégrés, tout en gardant la flexibilité des indépendants.
 
Les réseaux du Commerce Coopératif et Associé sont organisés en mode collaboratif ; les adhérents sont impliqués au quotidien auprès de la tête de réseau, ils partagent et mettent en commun leurs initiatives, leurs savoir-faire. Ainsi il n’y a pas qu’une seule tête pensante qui détient la connaissance mais il y a autant d’intelligences que d’adhérents. C’est une intelligence collective qui co-construit le « know how » du groupement. A nouveau ce mode d’organisation procure un avantage compétitif considérable, avantage d’autant plus réel que ce sont les adhérents qui sont à la gouvernance; administrateurs, présidents de commission, président,…
 
Enfin l’un des piliers principaux, à la base du Commerce Coopératif et Associé, est celui de l’organisation du capital. Celui-ci est exclusivement détenu, via des parts sociales, par les membres du réseau; il ne peut être introduit en bourse et sa rémunération est extrêmement limitée car plafonnée par la loi. N’ayant pas la préoccupation de devoir servir de dividendes à ses actionnaires ou encore de devoir adopter des stratégies plus orientées à maintenir un cours de bourse, l’objet de la tête de réseau est alors exclusivement tourné vers l’optimisation de la performance du réseau. Elle est focalisée sur sa pérennité et son développement.
 
Les chiffres sont là pour le prouver ; le Commerce Coopératif et Associé surperforme, années après années. En effet depuis plus de quinze ans, le Commerce Coopératif et Associé affiche des résultats supérieurs à celui du commerce de détail, avec une part de marché de plus de 30% en croissance régulière. Fort des 31 000 entrepreneurs qui le compose et des 43 000 points de vente exploités, le Commerce Coopératif et Associé, totalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 143 milliards d’euros.

De plus en plus de coopératives opèrent des rapprochements afin de conquérir de nouveaux marchés. Que pensez-vous de cette stratégie?

Les coopératives évoluent dans un univers extrêmement concurrentiel et dans lequel d’importantes mutations liées au développement du digital sont en train de s’opérer. Ainsi les contraintes de marchés matures impliquent de trouver des solutions permettant de rester compétitif afin d’être toujours en capacité d’accompagner le consommateur. Pour ce faire, les coopératives doivent atteindre un niveau de taille critique afin d’une part de rester économiquement performantes et d’autre part, de disposer de moyens suffisants pour réfléchir et entamer leur mutation. Les rapprochements qui ont eu lieu récemment se sont opérés dans cet esprit.
 
Proche de leur marché, les coopératives sont des structures qui ont toujours fait preuve de flexibilité ainsi que d’une très grande capacité d’adaptation. C’est ainsi qu’elles ont traversé les siècles (les premières coopératives sont apparues à la fin du XIXème siècle) en se regroupant pour gagner en compétitivité. Bon nombre de coopératives actuelles sont la résultante de rapprochements antérieurs; Système U actuel est le résultat du regroupement des 189 coopératives régionales qui composaient UNICO. Il en est de même de la coopérative de bijouterie Synalia née de la fusion dans les années 90 de deux coopératives ; la Guilde de Orfèvres et Julien d’Orcel.

Donc rien de bien nouveau mais la continuité de ce que les coopératives ont toujours fait.

Atteindre une taille critique est-il un atout indispensable afin de s’affirmer face à ses concurrents ?

Bien sûr, car les coopératives n’évoluent pas sur une planète différente qui leur serait réservées. Elles ont, certes, un mode d’organisation spécifique, mais leur métier reste définitivement ancré dans leur marché. Elles doivent comme n’importe quel concurrent avoir une taille critique pour, ainsi que nous le mentionnions précédemment, rester compétitives, voire leaders de leur secteur. Mais la taille ne fait pas tout et ne doit pas masquer l’impérieuse nécessité de savoir se remettre en question au quotidien. L’évolution économique tend vers un bouleversement profond des modèles et nous assistons notamment à des disruptions dans de nombreux métiers. Les coopératives doivent rester vigilantes à ces nouvelles mutations, elles ont, dans le passé, toujours su être attentives au changement c’est ainsi qu’elles ont gagné et gagneront dans l’avenir.

Eric Plat est président de la fédération des enseignes du commerce associé (FCA) depuis 2014. Il est également président-directeur général d'ATOL depuis 2010.