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Dystopie Verte: Attention danger!

Lauria Zenou
22/12/2020



Expert des nouveaux enjeux de l'écologie, Jean Paul Oury est docteur en histoire des sciences et technologies et consultant. Il est l'auteur de l'ouvrage « Greta a tué Einstein », paru chez VA Editions. Fort de ses connaissances en la matière, Jean Paul Oury a accepté d'analyser avec nous la difficulté que représente la radicalisation des mouvements écologistes. Décryptage de ces avancées et de ces régressions...



Pourquoi avoir fait le choix de prendre le contre-pied des nouveaux courants de pensée ?

Aujourd'hui, chaque jour qui passe voit l'écologisme progresser sur l'échiquier politique et dans les médias. On entend par écologisme la récupération politique de la science de l'environnement. Il est plus que jamais vital de s'opposer à cette idéologie pour trois raisons que nous expliquons dans "Greta a tué Einstein". La première est qu'elle a contribué à dénigrer la vision prométhéenne de la science et de la technologie en s'en prenant à ses totems. La seconde est que la transition écologique qu'on nous vend est moins fondée sur des arguments scientifiques que sur du marketing vert (notamment au travers d'un label que nous avons appelé made in Nature) et du coup nous vend de fausses solutions. La dernière est la plus dangereuse : c'est la dystopie verte dans laquelle l'écologisme piloterait chacun de nos faits et gestes et déterminerait toutes les étapes de notre vie de la naissance à la mort en passant par la vieillesse, faisant de chacune de nos existence une variable du tableur Excel des catastro-scientistes. 


N'avez-vous pas peur d'une volée de bois vert par les écologistes ?

Quand j’ai écrit la Querelle des OGM aux PUF en 2006 j’avais pour objectif de rétablir le dialogue entre opposants et partisans des OGM. Je pense que depuis, les choses n’ont pas beaucoup changé hélas, elles ont peut-être même empiré. L’écologisme se renforce chaque jour qui passe et voit son influence idéologique progresser. Le dialogue semble totalement impossible d’autant plus que les thuriféraires du « Nature über alles » ont conquis les esprits et ont tous les pouvoirs. Malgré cette situation malsaine, je compte bien exercer ma liberté d’expression et défendre ma thèse afin de sortir du manichéisme dans lequel certains voudraient enfermer le débat - ou tout du moins ce qu’il en reste. D’autant plus que je ne pense pas être le méchant de l’histoire. Je défends que l’innovation scientifique ne s’oppose pas à la nature mais se trouve dans la continuité de celle-ci. Je conteste le monopole que certains voudraient établir sur le concept de Nature qui n’est pour eux qu’un levier pour accéder au pouvoir en faisant peur aux citoyens qui deviennent plus facilement manipulables. Il faut dénoncer cela. Comme je l’explique dans Greta a tué Einstein, quand l’idéologie gouverne la science cela peut donner de véritables catastrophes, comme l’histoire l’a démontré (on pensera notamment à l’affaire Lyssenko, où l’idéologie soviétique a contribué à influencer le chercheur Lyssenko dans ses travaux sur le blé, et à causer l’une des plus grandes famines de l’histoire de l’humanité). Il faut se battre pour que l’idéologie ne prenne pas le dessus sur la science et surtout pour que l’on cesse de dénigrer les vertus prométhéennes de la science et de la technologie…
C’est aux scientifiques de montrer que leurs découvertes, leurs innovations sont compatibles avec un environnement meilleur et n’ont absolument rien de contre-nature. Or certains ne cessent de dénigrer cette capacité… on voit pourtant les conséquences néfastes d’une mauvaise politique scientifique. Récemment, la Ministre de l’environnement Barbara Pompili a parlé de possibles black-out cet hiver. Les défenseurs de la filières nucléaires ont rappelé justement que les politiques avaient voulu sans raison la fermeture de Fessenheim et qu’a contrario on donnait de plus en plus d’importance aux ENR qui ne nous donnent pas d’autonomie… bel exemple qui montre le danger de laisser le pouvoir à l’écologisme.  

On entend souvent parler d'effondrement, de « collapsologie », ces mots font peur, mais la menace est-elle réelle ?

J'ai écrit un chapitre dans lequel je m'amuse à classifier les différents types de collapsologues. C'est un courant très en vogue. Il est intéressant de voir que les protagonistes qui défendent cette idée d'un effondrement de la civilisation ont vu dans l'épisode du Covid une confirmation de leurs thèses. Certains comme Nicolas Hulot ont parlé de vengeance de la Nature. Steven Pinker, un psychologue et linguiste canadien a écrit « Enlightenment now », un ouvrage de référence, dans lequel il compile toutes les données qui montrent les résultats positifs de la philosophie des Lumières. Il y montre notamment que l'on vit plus vieux, que la maladie infantile a régressé, qu'une grande majorité d'humains ingèrent le nombre de calories suffisantes, que l'on vit dans une société moins inégalitaire et dans laquelle les Hommes se font moins la guerre. Il enchaine ainsi plus de 75 thèmes qui montrent les bienfondés de la société qui a valorisé le rationalisme.... A l'issue de son bilan, il s'interroge sur cette manière de voir le verre à moitié plein. Il se demande si plutôt que de dire que 80% de la population mondiale est sortie de la misère, il ne vaudrait pas mieux dire que 700.000 personnes vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté, par exemple. C'est sans conteste la vision que défendrait un collapsologue. Et même celui-ci n'hésiterait pas à dire que c'est à cause de la vision progressiste de la civilisation que nous avons chaque jour plus de malheureux. Outre le fait que cette affirmation ne repose sur aucune donnée tangible (les datas sont en libre accès), la vision catastrophiste est tout à fait concevable dans une démarche nihiliste. On l'a bien vu pendant le Covid. Lorsque la population est confrontée à une pandémie, elle veut faire confiance à la science pour venir en aide de la médecine et trouver le bon traitement (voir le débat sur la chloroquine et le Remdésivir) ainsi que le vaccin qui leur permettra de se protéger contre la maladie. Dans ce genre de circonstances, les déclinistes, les collapsologues et autres prophètes de malheur démontrent au grand jour leur inutilité. Ce qui ne les empêche pas de parler, bien au contraire. 

L'écologie est-elle devenue nécessairement punitive ?

Encore une fois, il est important de distinguer écologie et écologisme. Seul l'écologisme, ou autrement dit, l'écologie politique est punitive, car son seul moyen d'action c'est l'interdiction et le combat contre la liberté. Or, cette dernière est consubstantielle de l'innovation scientifique qui est nécessaire pour résoudre tous les problèmes.
Prenons par exemple le sujet des OGM. Les anti-OGM ont voulu faire interdire les plantes génétiquement modifiées car ils percevaient, à travers cette innovation scientifique qui avait recours à la transgenèse, une transgression de la barrière des espèces. C'est un biais dû à une vision idéologique. Aujourd'hui, une nouvelle technologie baptisée "Crispr-Cas9" permet de modifier le vivant sans avoir nécessairement recours à la transgenèse. Emmanuelle Charpentier a reçu le prix Nobel pour ses travaux à ce sujet.
On pourrait donc penser que l'opposition idéologique aux OGM n'a plus lieu d'être. Hélas, rien n'y fait et les opposants continuent de s'opposer et de vouloir interdire la technologie. La France, en continuant de vouloir faire interdire une technologie alors que celle-ci apporte de nouvelles solutions, mérite, elle, le prix Nobel d'idéologie . 

La Convention Citoyenne d'Emanuel Macron est-elle une avancée ou bien est-elle un nivellement par le bas ?

Si nous en sommes arrivés à un tel point de polémique entre, d'une part, la vision prométhéenne de la science et des technologies et, d'autre part, l'écologisme, c'est sans doute que pendant des années, le progrès a été imposé, sans prendre la peine de l'expliquer. C'est d'autant plus vrai pour les applications qui ne touchent pas directement le grand public. Je le démontre, il s'agit là des OGM, du nucléaire, des antennes relais ou encore du glyphosate. Les opposants à ces totems peuvent facilement manipuler l'opinion car celle-ci n'y est pas directement confrontée et ne peut vérifier par elle-même la véracité des campagnes de dénigrements.
Ainsi, il est beaucoup plus facile de monter un collectif anti-onde qui s'en prend aux antennes relais mais pas aux téléphones mobiles. On veut que l'antenne relais soit dans le jardin du voisin, mais on veut aussi un smartphone qui a un plus grand écran que le sien. Tout ceci montre à quel point il est essentiel d'ouvrir le débat sur tous ces sujets. On ne peut faire cela sans investir dans l'information et la vulgarisation. Mais le plus important reste d'encourager le débat contradictoire.
Or, de nombreux scientifiques se sont plaints de ne pas avoir été invités pour défendre leur point de vue lors de la Convention citoyenne. Il semblerait même que les ONG écologistes aient été essentiellement représentées. De ce fait, par exemple, la solution du nucléaire a été totalement laissée de côté, alors qu'elle est la meilleure solution pour disposer d'une énergie totalement décarbonée, tel qu'il est souhaitable. On aurait pu inviter également des représentants des biotechnologies ou encore de l'agriculture intelligente. Et tous auraient pu démontrer que leurs innovations allaient dans le bon sens et n'étaient pas contraires au respect de l'environnement tout en servant les intérêts de l'humanité. Les citoyens n'ont été confrontés qu'aux points de vues de ceux qui s'opposent à ces solutions. Comment peuvent-ils se faire une idée et débattre convenablement ?
Pour répondre à votre question, je pense qu'il n'était pas tout à fait inutile de faire descendre la science de son piédestal et de lui demander de rendre des comptes sur ce qu'elle fait, notamment sur cette affirmation péremptoire qui est que « l'homme est maitre et possesseur de la nature ». Mais, hélas, il semble que l'on ait manqué tellement d'étapes et que l'on se dirige à contre-sens d'une véritable évolution. De ce fait, nous n'avons réussi qu'à niveler le débat par le bas. C'est bien dommage. 






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