Des métaux lourds dans l’alimentation bio

RSE Magazine
26/07/2021


Alors que l’engouement pour l’alimentation bio ne cesse de croitre, plusieurs études montrent que celle-ci n’est pas exempte de contamination par des produits dangereux. Dernière en date, l’étude ESTEBAN de Santé publique France qui a révélé la présence de cuivre dans certains produits bio. Plongée au cœur d’une filière qui n’a pas encore réussi à se démarquer totalement de ce qu’elle reproche à l’agriculture traditionnelle.



Voici une information que les adeptes du bio risquent d’avoir du mal à digérer ! Selon Santé publique France (SpF), tous les Français ont des traces de métaux lourds dans leur organisme, y compris ceux qui consomment des aliments issus de l’agriculture biologique. Il s’agit là d’une des conclusions de l’étude ESTEBAN, menée entre avril 2014 et mars 2016 auprès d’un échantillon de 1104 enfants et 2503 adultes âgés de 6 à 74 ans, afin de mesurer l’exposition aux métaux de la population française. Ses résultats  ont été publiés le 1er juillet dernier. Ainsi, concernant le bio, SpF classe la consommation de légumes, céréales et fruits issus de ce mode de culture parmi les déterminants influant sur l’imprégnation en cuivre, notamment chez les enfants. 
 
Si une étude parue en 2014 dans le British Journal of Nutrition  publié par la prestigieuse université de Cambridge a démontré que les produits issus de l’agriculture biologique étaient plus riches en antioxydants  et qu’ils contenaient moins de résidus de pesticides, il n’en reste pas moins que ce mode de culture n’est pas miraculeux. C’est le cas, notamment, sur les parcelles fraîchement reconverties au bio, qui conservent plusieurs années après des traces de substances utilisées précédemment sur ces terrains. Plusieurs enquêtes et études ont en effet démontré que l’alimentation bio était parfois contaminée par des substances potentiellement nocives pour la santé des consommateurs.

Des aliments touchés par la pollution

Cultivés sur des terres parfois très proches de champs dédiés à l’agriculture traditionnelle ou de sites industriels, exposés à l’air ambiant et donc à la pollution, même avec la meilleure volonté du monde, les produits estampillés bio ne peuvent totalement échapper aux polluants qui les environnent. C’est ce qu’a démontré le magazine 60 Millions de consommateurs intitulé « Le meilleur du bio  » paru en juillet 2019. Pour les besoins de leur enquête, les journalistes de la rédaction ont passé au crible 130 produits bio dans 14 catégories alimentaires. Si pour certaines, comme les pommes et les bananes bio par exemple, les résultats ont démontré l’absence de pesticides ou de produits indésirables, d’autres en revanche, s’en sont beaucoup moins bien sortis. 
 
Ainsi, et c’est plutôt surprenant, les analyses réalisées par 60 Millions de consommateurs ont révélé que les œufs et les laits bio contenaient plus de dioxines et de PCB, deux polluants organiques persistants, que leurs homologues dits conventionnels. La raison en est pourtant simple : le mode d’agriculture biologique privilégie l’élevage des animaux à l’extérieur. Poules et vaches respirent donc un air qui peut être pollué par les dioxines, qui sont des molécules produites par l’industrie et le chauffage résidentiel. De même, elles se nourrissent dans des champs potentiellement contaminés par des PCB, dont la production et l’utilisation sont certes interdites depuis 1987, mais qui ont eu tout le temps de s’accumuler dans les sols et d’y persister pendant encore des années.
 
Plus récemment, c’est le sésame qui s’est retrouvé sous le feu des projecteurs pour des raisons sanitaires. Tout a commencé le 9 septembre 2020 avec une alerte émanant des autorités sanitaires belges concernant la présence, dans certains lots importés, de graines de sésame d’oxyde d’éthylène  à une teneur supérieure à la limite maximum réglementaire. Interdit en France et en Europe, ce produit chimique est encore largement utilisé dans certains pays. Parmi les milliers de produits retirés de la vente à la suite de cette annonce figuraient des produits dits conventionnels, mais aussi des produits bio. Un dysfonctionnement de la filière qui embarrasse évidemment Charles Pernin, délégué général du SYNABIO, le syndicat des entreprises de transformation et distribution bio en France, qui comprend que  « les consommateurs bio puissent être étonnés et déçus de voir ce type de contamination ne pas épargner la bio ». Le hic, c’est qu’en quelques mois, d’autres produits sont venus allonger la liste des produits contaminés par l’oxyde d’éthylène : amarante et psyllum biologiques  ont également fait l’objet d’un signalement de la DGCCRF pour des limites maximales de résidus supérieures à celles fixées par l’Union Européenne. Du côté de 60 Millions de consommateurs, on n’hésite pas à parler d’une vaste fraude aux produits bio contaminés  émanant de la filière indienne concernant le curcuma, le gingembre et d’autres épices.

Le bio pas épargné par les métaux lourds

PCB, dioxines et autre oxyde d’éthylène ne sont pas les seules substances problématiques que l’on retrouve parfois dans les produits d’alimentation bio. Les métaux lourds s’invitent parfois, malgré toutes les précautions prises par les agriculteurs de la filière, dans leur production. Ainsi, déjà en 2013, une étude menée par des chercheurs de l’université canadienne d’Alberta  a mis en lumière la présence de certains métaux lourds dans des sachets de thé : aluminium, arsenic, plomb et cadmium ont été retrouvés dans des proportions parfois trop élevées dans de nombreux thés analysées par l’équipe de scientifiques. Et en 2017, c’est à nouveau 60 Millions de consommateurs qui a fait le même constat en mettant en lumière la présence de pesticides et de métaux lourds dans nos sachets de thé  de ce côté-ci de l’Atlantique. Point commun entre ces deux études : les thés bio ne sont pas épargnés.
 
Finalement, les résultats de l’étude ESTEBAN ne disent pas autre chose : agriculture conventionnelle ou biologique, il est donc difficile d’échapper à l’exposition et à l’imprégnation aux métaux lourds. Et non seulement manger bio ne permet pas toujours d’éviter ces substances néfastes pour l’organisme mais, paradoxalement, cela peut même contribuer à en absorber davantage que si l’on consommait des aliments issus de l’agriculture classique. C’est ainsi que l’étude ESTEBAN a révélé que, si du cuivre avait été détecté chez la quasi-totalité des Français, ce phénomène était accentué chez les consommateurs bio. En effet, la consommation de céréales et de légumes produits en agriculture biologique influence les concentrations en cuivre  dans l'organisme, et en particulier chez les enfants. À vrai dire, l’explication est assez simple : le cahier des charges de l’agriculture biologique interdit bien sûr de nombreux engrais et phytosanitaires, mais le cuivre n’en fait pas partie. C’est même le seul et unique produit minéral de traitement des maladies autorisé. Il est donc largement utilisé en tant que fongicide et bactéricide. On le trouve dans la bouillie bordelaise, mais il est également employé pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre et celui de la vigne ainsi que contre la tavelure du pommier. Pas étonnant, donc, que les plus fervents adeptes du bio présentent un taux d’imprégnation supérieur au reste de la population.