Rencontre : Arnaud Fimat, cofondateur de Ça Me Regarde

RSE Magazine
26/06/2014


Nous avons rencontré le co-inventeur des RTT solidaires. Constituée en SCOP, Ça Me Regarde propose aux entreprises des séminaires, des formations et des chantiers solidaires. Et visiblement, tout le monde y gagne : l’entreprise comme les salariés, autant les associations bénéficiaires de la démarche. Explications.



Vous êtes cofondateur de Ca Me Regarde, une SCOP à l’origine des « RTT solidaires ». Pouvez-nous raconter la genèse de votre projet ? Comment un ancien expert en sûreté et en gestion des risques se transforme-t-il en héraut de la solidarité d’entreprise et du lien social ?

Arnaud FImat, cofondateur de Ça Me Regarde
Ça Me Regarde est née de l’expérience. Ségolène (Ndlr : la cofondatrice de Ça Me Regarde) et moi-même animions avec quelques collègues la démarche Développement Durable de Manutan. En 2010, à l’occasion de la semaine du développement durable, nous avons proposé aux 350 collaborateurs du site de participer à un RTT solidaire. Ainsi, chacun a eu la possibilité de poser une journée de RTT (ou de congés payés) pour vivre une expérience solidaire, en immersion dans une association locale et autour d’un chantier utile à l’association. Nous avons ensuite renouvelé l’expérience chez Manutan et au regard de l’énergie, de l’enthousiasme, de la cohésion et des rencontres qui naissaient à travers ces journées, nous avons passé le cap de l’entrepreneuriat avec l’ambition de faire vivre à toutes les entreprises une journée solidaire. Nous étions alors persuadés que l’entreprise et le monde associatif ont un intérêt mutuel à se rapprocher et à s’inspirer.

En quoi votre intervention consiste-t-elle aujourd’hui, maintenant que votre démarche est structurée et « professionnalisée » ? Pouvez-nous citer des réalisations emblématiques de votre activité ?

Nous nous sommes organisés autour d’une offre en trois dimensions. D’abord, le « RTT Solidaire », grâce auquel la DRH ou la direction RSE offre la possibilité aux collaborateurs de s’engager pour une journée, au cœur d’une association. L’expérience montre aussi que de nombreuses entreprises choisissent des « programmes de RTT solidaire » organisés tout au long de l’année, dans différentes associations, et répondant aux engagements RSE annuels de l’entreprise.
 
Ensuite, le « Séminaire », grâce auquel un patron ou un manager souhaite orienter la journée de son équipe autour des valeurs de l’entreprise, avec une dimension solidaire.
 
Enfin, nous proposons des modules de « Formation en Immersion »: intuition & management, gestion du stress et des émotions, management éthique, cohésion et bienveillance sont autant de modules que nous proposons de vivre au cœur de structures associatives. Notre spécificité : « le sur-mesure ». Volontairement, nous n’avons pas de catalogue de formation, mais préférons définir avec l’entreprise l’enjeu précis de la session et travailler avec notre réseau associatif pour imaginer et mettre en place la journée.
 
Toutes nous journées partagent ces caractéristiques : Journée ou demi-journée en immersion, expérience collective (à partir de 5 personnes), organisée localement à l’entreprise, autour d’un chantier utile à l’association, et imaginable partout en France.

Comment se déroulent concrètement les séminaires et les formations orientés cohésion d’équipe et développement personnel ?

Le préalable est d’identifier les attentes de l’entreprise, ce qu’elle veut faire vivre, pourquoi, les enjeux pour l’équipe, le sens de la journée. Plus nous avons une vision claire des raisons de l’organisation de la journée, mieux nous pourrons répondre par un format qui répond aux attentes.
 
Ensuite, il faut définir précisément avec l’association les activités solidaires à proprement parler, c’est-à-dire ce que les personnes vont concrètement faire de leurs mains.
 
Enfin, nous pouvons accompagner l’entreprise dans la mise en place de la démarche (phase de teasing…) et l’aider à susciter l’intérêt des équipes en interne. Le jour J, nous accueillons, avec l’association, les collaborateurs de l’entreprise. Nous leur présentons et les accompagnons sur les ateliers, et laissons faire la magie de l’immersion et du « hors cadre ». En fin de journée nous animons un débriefing collectif qui vise deux objectifs : fermer la parenthèse solidaire, d’une part, en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer sur le vécu de l’expérience et son ressenti émotionnel. D’autre part, éveiller l’imagination et les inspirations de la journée pour la vie quotidienne de chacun dans l’entreprise.
 
A J+30, et en fonction du format et du contexte, nous animons le débriefing à froid dans le but d’ancrer l’expérience et de s’assurer que chacun est bien autonome dans la transformation de l’expérience solidaire.

Vous avez également développé un programme spécifique à destination des dirigeants et des managers. Quel en est le bénéfice escompté ?

« Détour » est un programme de formation inter-entreprise qui ambitionne de partager une approche novatrice des relations humaines dans l’entreprise. Il s’appuie principalement sur l’intérêt de sortir du cadre et du « tout rationnel » pour prendre de la hauteur et imaginer d’autres horizons. Détour fait toucher du doigt aux participants, de manière innovante, la notion de « changement », de « transformation » par l’ouverture.
 
Sur 5 mois, chaque participant vit 3 chantiers solidaires (dans 3 associations différentes), 2 rencontres inspirantes et des sessions d’apports théoriques. Un accompagnement de type coaching lui permet aussi la transformation des expériences dans le quotidien.
 
Les principaux bénéfices de Détour sont l’ouverture, l’inspiration, l’expérience collective en petit groupe (8 pers. max.)… C’est à la fois une bouffée d’oxygène exceptionnelle pour les participants qui vivent des rencontres d’une grande richesse. Enfin, l’énergie d’un petit groupe bienveillant autour de rapports authentiques entre pairs apporte aussi joie, émotion et inspiration.

Quels bénéfices les entreprises en retirent-elles, en termes de management ?

Le chantier solidaire porte principalement des enjeux de cohésion. On a coutume de dire que nos journées sont gagnant/gagnant/gagnant. Pour l’association, avec la réalisation concrète et tangible de chantiers. Pour le collaborateur qui découvre une association, vit un sentiment fort d’utilité, rencontre ses collègues sous un nouveau regard et imagine des inspirations de l’expérience. Et pour l’entreprise, qui concrétise et dynamise ses engagements RSE et RH, qui permet de vrais moments de cohésion entre participants, et qui bénéficie de collaborateurs épanouis ayant ouvert leur regard et imaginé une entreprise différente.

Vous avez déjà des références très prestigieuses parmi vos clients. A-t-il été difficile de pousser les portes de ces grandes entreprises, au début ?

La première année a été consacrée principalement à la présentation de notre initiative et à glisser dans le creux de l’oreille des DRH et directeurs RSE qu’un séminaire ou une formation pouvaient revêtir une dimension solidaire. Ensuite, les premières journées ont été organisées. Le bouche à oreille, le développement de nos réseaux, ont petit à petit fait le reste. Quelques actions de communication nous ont aussi apporté des beaux contacts. 

Quel est votre modèle économique, et pourquoi avoir choisi un statut coopératif pour Ça Me Regarde ?

Le modèle économique est très simple. L’entreprise nous délègue l’organisation clés-en-main de l’événement solidaire. Il s’agit principalement de « temps » pour lequel nos clients nous rémunèrent : le temps de repérage dans l’association en amont, le temps d’animation le jour J, le temps de débriefing à J+30…
 
Concernant la SCOP, au départ, nous ne connaissions pas ce statut d’entreprise assez particulier. Quand, avec Ségolène, nous avons décidé d’entreprendre ensemble, nous avons listé simplement sur une feuille blanche le contour de l’entreprise que nous voulions voir naître. Ensuite nous avons examiné quel statut étaie susceptible de répondre le mieux à notre besoin. La SCOP a fait consensus. L’accompagnement de l’URSCOP dans la phase de création de l’entreprise a d’ailleurs été très précieux.

Dans le discours ambiant, on a souvent le sentiment que le monde de l’entreprise et la solidarité sont antagonistes. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

« Antagonistes » ? « Complémentaires » serait plus réaliste ! Dans bien des cas, ces mondes sont pleins d’a priori l’un envers l’autre alors qu’ils ne se connaissent que peu, en fin de compte. Par ailleurs, le milieu associatif et l’entreprise partagent, chacun de son coté, des problématiques identiques : gestion du personnel, communication, budget, équilibre économique et humain… Faire rencontrer ces deux mondes, pour nous, fait sens. Nos journées veulent incarner cette rencontre et cet intérêt réciproque, dans un contexte bienveillant.