RSE Agency analyse les enjeux de la 9ème édition des « rendez-vous de la RSE et de ses innovations »

L'évènement se tiendra à Marseille le 13 février 2014, au Parc Chanot

RSE Magazine
10/02/2014




Michelle Pache et Marc Unfried, co-fondateurs de la 1ère agence de Conseil Sociétal en Europe, partagent avec nous leur point de vue sur les problématiques soulevées par ce 9ème « rendez-vous de la RSE et de ses innovations  » dont la séance plénière aura pour titre "Les entreprises ne philosophent plus la RSE, elles la font."

La RSE, un hymne à la vie

«Il y a une dimension suicidaire dans notre société de court terme »…selon Jacques Attali
 
A oublier que la vie n’est qu’impermanence, que tout est éco-systémique, à conduire ses affaires avec désinvolture en négligeant les besoins de l’autre, à créer des richesses autant que de l’inégalité, à désincarner ses discours de tout acte exemplaire, l’humanité s’est dotée d’une effroyable capacité à s’autodétruire. Une sorte de désir de suicide collectif que les Etats, depuis le sommet de la terre à Stockholm (1972), tentent d’enrayer.
 
A ce jour, selon Marc Luyckx Ghisi, il y a urgence à prendre conscience que « le changement de civilisation que nous sommes en train de vivre est rapide et profond, car la rationalité moderne, l’approche patriarcale, et le capitalisme industriel ne sont plus capable de formuler une réponse satisfaisante ni au problème de notre survie collective et de celle de l’environnement, ni aux problèmes sociaux et démographique de notre monde en ce début de XXIe siècle. ».
 
Il y a donc urgence à élargir nos cadres de référence, à transformer la portée de nos décisions, à réinterroger les intentions profondes qui sous-tendent nos actes, à donner de la chaire à nos engagements, quel qu’ils soient, quelque soit le contexte. Urgence à réapprendre à se projeter ensemble dans une histoire où chacun aura un rôle à jouer. Urgence à s’inscrire dans des projets porteurs de sens, de solidarité, de respect de toute forme de vie, de performance durable.
 
Urgence à être sociétalement responsable, comme nous le préconise la norme ISO26000 et un certains nombres de référentiels internationaux, à choisir la croissance, l’innovation, la création de valeurs pérennes. Urgence à s’affranchir de l’oppression du court terme, de ce que Jacques Attali appelle la « dictature de l’urgence ».
 
Et c’est bien pour répondre concrètement à cette « urgence » que cet évènement phare de la région PACA, sur le thème de la RSE, a été crée en 2006. 

La RSE, effet de mode ou vague de fond ?

Certains pensent encore que la RSE reste un effet de mode qui ne profite qu’aux grands groupes cotés en bourse pour redorer leur image.

Il est vrai que la RSE a un effet « Mode » au sens de manière temporaire et collective de faire, mais également, au sens de forme particulière d’expression de faits ou de phénomènes. Dans ce contexte, les Groupes transnationaux ont été enclins, par la compétition économique qu’ils vivent, à colorer l’image de leurs activités d’une teinte RSE pour les rendre acceptables des communautés locales et obtenir la fameuse « Licence to Operate ». Cette posture a marqué la dernière décennie d’un insupportable Greenwashing qu’il ne faudrait pas voire se transformer progressivement en Sociétalwashing.
 
En outre, la transformation de l’échiquier économique mondial s’est accélérée ces dernières années. Le BRICS (5 grandes puissances émergentes) représente aujourd’hui près de 20% du PIB mondial et devrait assurer 61% de la croissance mondiale en 2015.

La Chine, l’Inde et le Brésil intègrent avec un certain succès la dimension RSE dans leur politique nationale dont ils font une question de légitimité de leur développement économique et social.

Le continent Africain qui concentrera un quart de la population mondiale en 2050, qui représente à lui seul 1/3 des réserves mondiales de minerais (matières premières de toutes activités humaines) voient ses politiques RSE subventionnées par certains pays occidentaux qui ont bien compris leurs intérêts.
 
Pour répondre à notre interrogation initiale, la RSE est incontournable et c’est l’affaire de tous : des états, des grandes groupes, des PME par sa dimension et les valeurs universelles qu’elle porte.

Au cours de la prochaine décennie, elle rythmera le développement de nos modèles économiques. Les principes directeurs, valeurs, concepts qui la caractérisent sous-tendront TOUTES nos décisions.

Nous le voyons déjà dans les critères de choix des jeunes générations en matière d’achat, de consommation, d’investissement, de gestion de carrière, de mobilité géographique…
 
Désormais, l’enjeu de l’organisation, quelque soit son positionnement, est de communiquer de manière appropriée, pertinente et juste sur la réalité de ses activités, sur la matérialité de ses initiatives.
 
Dans le fond, c’est ce que nous disait Montesquieu quand il écrivait : « L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples ».

La RSE : ni importante, ni prioritaire…juste nécessaire !

Et cet enjeu de communication se retrouve à tous les niveaux de l’organisation, dans tous ses compartiments, à tous ses « étages » de responsabilités. Il est transversal, pluridisciplinaire mais aussi « trans temporel ».
 
Car la RSE a aussi et surtout sa place en période de crise. Elle n’efface pas les réalités opérationnelles quotidiennes et récurrentes d’une organisation. Elle n’est d’ailleurs pas une « prothèse » qui remplacerait un mauvais choix de business model et/ou de gouvernance quand une entreprise perd des parts de marché.

En revanche, la RSE et les réponses qu’elle apporte permettent de se repositionner plus rapidement, de regagner en compétitivité et, selon les dernières recherches du Dr Caroline Flammer de la Ivey Business School de l’Université de Western Ontario, d’améliorer le rendement financier des entreprises. Notons également l’étude de Heli Wang (Université des sciences et technologies de Hong Kong) et de Jaepil Choi (Université de gestion de Singapour) sur la relation entre performance sociale et performance financière. En comparant la cohérence au degré de performance sociale à l’échelle de différents groupes de parties prenantes et en observant la manière dont cette relation influait sur les rendements financiers, ils ont apporté des éléments de réflexion complémentaires sur le lien entre développement durable et performance financière.
 
La RSE n’est donc pas accessoire. Ce n’est pas une activité de dilettante, à confier à un stagiaire non rémunéré, quand on ira mieux, ou quand on a du temps ou de la trésorerie. La RSE n’est pas non plus prioritaire…elle est juste nécessaire. 

La RSE : lâcher la morale pour l’éthique

La RSE est donc incontournable par les réponses qu’elle apporte aux pressions des donneurs d'ordre, aux contraintes réglementaires, aux impacts potentiels des nouveaux risques environnementaux et sociétaux. Mais à répéter qu’elle est incontournable, nous pourrions alors penser que le seul enjeu est d’opérationnaliser les engagements qu’elle suscite et de les démontrer par des indicateurs extra-financiers.
 
Comme l’a mis en évidence le rapport de l’AMF sur l’information diffusée par les sociétés cotées en matière de RSE et la dernière étude KPMG sur le reporting RSE dans le monde, les organisations ont certes beaucoup à progresser sur le champ du reporting intégré. Elles gagneront à développer des approches pragmatiques et rigoureuses pour choisir et hiérarchiser avec pertinence des informations en lien direct avec leur stratégie. Et l’obligation généralisée de reporting extra-financier est une démarche nécessaire d’opérationnalisation des principes de transparence et de redevabilité.

Le Conseil d’Etat (CE) s’est d’ailleurs emparé du sujet « soft law » ou « droit souple » en y consacrant son rapport annuel. Selon nos sages, «Le droit souple permet d’appréhender les phénomènes émergents qui se multiplient en raison d’évolutions technologiques, ou de mutations sociétales ».
 
Cependant, il ne faudrait pas que ces deux tendances de fond nous fassent oublier la distinction introduite par Spinoza au 16ème siècle entre morale et éthique. Entre « ce qu’il faut faire », les règles et « ce qu’il est juste de faire », l’équitable au service du bien commun.
 
Par delà transparence et redevabilité, l’enjeu ultime de la RSE sera celui de l’« intention ». Cette « intention » personnelle, dynamique et située qui fait émerger des décisions responsables, ces réponses justes et équilibrées aux attentes et intérêts de ses parties prenantes.
 
Il ne s’agira plus seulement de « faire », ni de prouver qu’on a bien « fait ». Il s’agira avant tout de ne plus faire juste par « devoir », par « peur de la sanction », par « culpabilité ». Il s’agira de passer du "il faut", du "je dois", du "je crois" porteurs d’émotions négatives, d’idéologies qui enferment et uniformisent les différences au « j'ai envie ».
 
Cette envie qui libère l'énergie, autorise l’audace, l’improbable, redonne du sens et permet de faire face efficacement à l’instabilité du monde ambiant, de fédérer, de se différencier, de performer durablement.
 
Cette intention qui permettra de passer de « la dictature de l’urgence » à ce que Emmanuel Toniutti nomme l’«urgence éthique »… Ce que RSE Agency a décidé d’appeler la Responsabilité Sociétale Individuelle.

De la RSE à la Responsabilité Sociétale 3.0

Pour se libérer de cette pression de l’immédiateté et créer les conditions d’émergence d’une responsabilité sociétale individuelle partagée, les organisations auront à ré imaginer en profondeur leurs modèles de gouvernance.
 
Il s’agira pour elles de tendre vers une gouvernance sociétale dont les composantes s’appuieront sur trois piliers, les parties prenantes, le capital humain et l’ancrage territorial. Traitées de manière systémique, ces trois dimensions seront les facteurs clé de succès de la durabilité de nos écosystèmes.
 
Business modèles inclusifs, ESS, économie de fonctionnalité, dialogue sociétal prospectif, gestion territoriale prospective des emplois et des compétences (GTPEC), protection de la biodiversité et de la diversité naturelle et humaine, efficacité énergétique, gouvernance du capital humain®, éthique des affaires, évaluation et certification RSE, communication et achats responsables…

Autant de sujets et problématiques que ce triptyque permettra de revisiter pour leur apporter des réponses éclairés, partagées et efficaces. Un triptyque pour garantir une transition sociétale réussie, qu’il s’agisse de projets entrepreneuriaux, associatifs, éducatifs ou politiques.
 
Enfin, un triptyque qui préfigure notre vision de la RSE de demain : la Responsabilité Sociétale 3.0 

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