Les revers écologiques de l’obsolescence

Arthur Fournier
24/10/2012


En août 2012, l’Ademe publiait une étude sur l’obsolescence programmée. Celle-ci faisait un constat pour le moins surprenant : les consommateurs utiliseraient leur téléphone portable deux ans seulement en moyenne avant de le renouveler, notamment pour des raisons d’obsolescence, alors que leur durée de vie est évaluée à une dizaine d’années. À l’heure où les économies de ressources sont de mises, l’Agence pour l’environnement soulève ainsi un problème de fond : comment concilier obsolescence et considérations écologiques ?



Dans son étude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques, l’Ademe met en lumière une tendance de fond : les consommateurs de biens électroniques renouvèlent leurs équipements bien avant que ceux-ci n’arrivent en fin de vie. Ainsi, les ordinateurs portables seraient en principe conçu pour fonctionner pendant près d’une dizaine d’années, mais ces produits ne seraient effectivement utilisés que 3 à 5 ans en moyenne par les consommateurs. Il en va de même pour les téléphones portables dont la durée de fonctionnement peut s’étendre à une dizaine d’années. En dépit de cette robustesse, l’Ademe souligne que ces appareils sont généralement renouvelés après 20 mois à 6 ans d’utilisation.
 
Le phénomène ainsi décrit par l’Ademe s’observe de façon similaire sur le marché des télévisions ou encore celui des imprimantes. Les appareils électroniques commercialisés sur le marché surpassent de loin les attentes des consommateurs en termes de durabilité. Selon l’Ademe, l’obsolescence technologique intervient aujourd’hui si vite que les utilisateurs éprouvent en effet le besoin de renouveler leurs équipements bien avant que ceux-ci ne tombent hors service.
 
Ce constat n’est pas sans soulever des questions écologiques fondamentales. Car la fabrication de ces équipements électroniques est en effet gourmande en ressources naturelles rares telles que le lithium ou le coltan. Entre 60 et 80 % des stocks de cette dernière matière première seraient d’ailleurs monopolisés par le l’industrie électronique d’après l’Association pour l’e-Développement. Le fait que la durée de vie des equipements électroniques soit supérieure à la durée d’usage effective qu’en ont les consommateurs résulte donc en un gaspillage de ressource rare à l’échelle d’un marché tout entier.
 
Afin d’éviter les déperditions systématiques de matières premières, différentes solutions peuvent être envisagées. Dans un premier temps, le développement d’un marché de l’occasion permettrait d’allonger la durée d’utilisation des appareils électroniques afin de la prolonger le plus possible. L’organisation de filière de recyclage pourrait également améliorer la récupération d’un maximum de composant, d’en permettre la réutilisation et donc de réduire l’empreinte écologique de la production de biens électroniques de consommation.  
 
Ces solutions sont toutes inscrites par l’Ademe au rang des priorités tirées des conclusions de ce rapport. Ses auteurs ne manquent en effet pas d’idée pour s’attaquer à ce problème global que posent les fréquences de renouvellement des matériels électroniques. Ceux-ci mentionnent d’ailleurs une dernière option: celle de la promotion des services de réparation, qui permettrait évidemment d’amener au terme de leur durée de vie tous les appareils qui cessent de fonctionner accidentellement.
 
Mais ces suggestions, aussi nombreuses et pertinentes soient-elles, ignorent une autre question fondamentale : celles de l’intérêt des constructeurs. En dépit des coûts environnementaux que cela suppose, l’obsolescence rapide des produits constitue une opportunité pour les producteurs dont l’objectif à court terme est de vendre le plus d’unité possible. Face à cet antagonisme des intérêts industriels et écologiques, seuls les pouvoirs publics et les consommateurs apparaissent en position de responsabiliser le marché.