Les entrepôts à énergie positive

Arthur Fournier
28/06/2012


En matière d'urbanisme, les objectifs du Grenelle de l'environnement sont ambitieux. Les nouvelles règles contraignantes s'appliquent bien entendu à la filière logistique et entraînent une prise de conscience sans précédent. Ainsi, la limite de consommation énergétique autorisée par la Régulation thermique 2012 est le tiers de la précédente norme. Un bail vert devrait voir le jour prochainement, établissant les engagements en matière de performance énergétique entre le bailleur et le locataire de locaux industriels. Ces contraintes légales n'expliquent pas à elles seules le volontarisme du secteur. En effet, l'amélioration des performances énergétiques des entrepôts conduit à des économies substantielles dans un secteur concurrentiel. De plus, des efforts en matière environnementale améliorent une image fortement détériorée par le transport par la route et ses pollutions. Les initiatives se multiplient pour proposer des locaux conformes aux prescriptions réglementaires. Toutefois, la question essentielle est celle de la rénovation des locaux anciens qui constituent la quasi-totalité du parc des entrepôts.



L'avenir : les entrepôts à énergie positive

Un entrepôt à énergie positive est un entrepôt qui produit plus d'énergie qu'il n'en consomme. De tels bâtiments constituent bien entendu la meilleure solution en matière de performance énergétique et d'empreinte environnementale. Il en existe déjà quelques exemples opérationnels. En Angleterre notamment, le Gazely Park Blue Planet est une illustration éloquente des qualités de ce type d'entrepôts. Concentré de technologie, il utilise toutes les techniques de captation d'énergie renouvelable : panneaux solaires, récupération des eaux de pluie, éclairage par lumière naturelle... Au final, cet entrepôt recycle de l'énergie pour sa propre consommation et en fournit à environ 3 000 logements. Quant à sa production en CO₂, elle est inférieure de 1 800 tonnes aux normes.

En France, plusieurs projets en préparation devraient se concrétiser prochainement. Le grand port maritime de La Rochelle en est un exemple. De tels bâtiments parviennent à une neutralité énergétique, non seulement en raison du recours à des énergies renouvelables, mais également grâce à l'utilisation de matériaux innovants. Ils peuvent ainsi fournir de l'énergie à un parc domestique plus ou moins important. Ainsi à Toulouse, le quai des messageries de Gefco alimente 100 habitations par an. L'entrepôt à énergie positive ne se contente pas d'un excellent impact environnemental, il s'intègre également à son cadre naturel en rejetant le béton. Avec de tels projets, la filière logistique prend incontestablement une longueur d'avance.

Le défi : les entrepôts anciens

Si les bâtiments révolutionnaires à énergie positive voient le jour, il n'en demeure pas moins vrai que la quasi-totalité des entrepôts est ancienne. Construits à des époques où les préoccupations environnementales étaient méconnues, ils ont des performances énergétiques inexistantes. Ne répondant d’aucune manière aux exigences légales, leur rénovation constitue le plus grand chantier de la filière logistique. Or, les textes issus du Grenelle de l'environnement sont particulièrement exigeants. Ainsi, tous les locaux doivent dès 2020 avoir réduit de 38 % leur consommation énergétique. Diverses mesures d'économie existent, ressemblant à du saupoudrage : recours à des lampes à basse consommation, détection de présence par un système automatique, etc. Leur efficacité est en question.

La rénovation globale des entrepôts anciens est une autre piste. Particulièrement coûteuse, elle ne peut se faire qu'au cas par cas. Il faut au préalable analyser l'intérêt de l'opération en fonction de la situation géographique des entrepôts concernés. Dans certains cas, de simples mesures d'adaptation seront suffisantes, et il conviendra de les renouveler régulièrement. Dans d'autres cas, une opération de rénovation complète s’avérera beaucoup plus rentable. De même, certains acteurs préfèrent se séparer de locaux à faibles performances énergétiques, plutôt que d'y investir. Il reste que la rénovation des bâtiments anciens est l'enjeu décisif pour les années à venir, bien qu’elle ne puisse être systématisée.

La contrainte : le transport

Les entrepôts ne sont pas, à priori, les plus concernés par l'objectif phare de réduction des émissions de CO₂. La filière logistique a bien conscience des impératifs du facteur 4 : diviser par 4 l'émission de CO₂  à l'horizon 2050. C'est bien entendu le transport qui produit le plus de gaz carbonique. Dès lors, pour réduire cet impact du transport routier, la première piste est celle de la situation des entrepôts, dont dépendent les trajets en camion. En rationalisant le maillage géographique de ces bâtiments, il sera possible d'harmoniser et de réduire les trajets. Il s'agit d'ouvrir une réflexion globale sur l'urbanisme : où placer ces entrepôts de manière idéale ? Des centres logistiques géants en dehors des zones urbaines ne doivent-ils pas être complétés par de micro-entrepôts en centre-ville ?

Le choix du tout routier est également en question. Désormais, le transport ferroviaire et le transport par voie fluviale apparaissent comme une alternative environnementale crédible et nécessaire. De ce fait, les politiques s'attachent à les favoriser. Au niveau de la Communauté européenne, le Canal Seine Nord est un projet emblématique, devant permettre d'assurer une liaison fluviale entre Dunkerque et Rotterdam à l'horizon 2017. Ce projet figure également dans la loi issue du premier Grenelle de l'Environnement. La multiplicité des modes de transports de marchandises, par la mer, le fer, la voie fluviale, la route, est une véritable demande des acteurs de la logistique.
Les prescriptions des lois tirées du Grenelle de l'environnement permettent à la filière logistique de se doter d'une image nouvelle. Proactif dans le développement durable, respectueux de l'environnement, les logisticiens s'impliquent pour une logistique rénovée. De nouveaux entrepôts à énergie positive et l'immense chantier de la rénovation des bâtiments anciens sont la marque de cet engagement. Les exigences des États ne sont pas étrangères à un tel engouement. La France n'est en effet pas la seule à légiférer. Au Brésil, la politique d'un arbre abattu, un arbre planté est en vigueur. En Russie, les constructions d'entrepôts sont surveillées en termes d’impact sur l'air ambiant. La prise de conscience ne concerne donc pas uniquement les pays riches. La protection de l'environnement est un souci planétaire. C'est bien ce qu'ont compris les acteurs de la filière logistique.