Le changement climatique vu par John Broome : un défi moral

Arthur Fournier
02/05/2013


La philosophie est une science humaine au sein de laquelle les mentions du réchauffement climatique ne sont pas si fréquentes. Un philosophe anglais tranche cependant avec cet état de fait puisque ses travaux portent depuis 20 ans déjà sur cette question. Ce chercheur n’est autre que John Broome, professeur de philosophie morale à l’Université d’Oxford et auteur de Climate Matters – Ethics in a Warming World(1) paru en juillet 2012.



Philosophe de nationalité britannique, John Broome a obtenu un doctorat d’économie au Massachusetts Insitute of Technology. En vertu d’une culture hybride empreinte de philosophie et de science économique, John Broome est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le thème de l’éthique. C’est donc le champ de la philosophie morale que ce brillant académicien a choisi de se spécialiser.
 
John Broome est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués. Parmi ceux-ci on trouve Weighing Goods : Equality, Uncertainty and Time, ou encore Ethics out of Economics. Dans ces ouvrages l’auteur propose une analyse des concepts de bien marchand, de valeur à la lumière du contexte contemporain. Ces travaux sont fortement influencés par un utilitarisme déployé en direction de la recherche du bien-être pour le plus grand nombre.
 
En 1992, John Broome publie un nouvel ouvrage intitulé Counting the Cost of Global Warming. Ce livre atteste de l’intérêt du philosophe pour la question du réchauffement climatique. Une question qu’il aborde, de façon originale et pertinente, à travers le prisme de l’éthique. Ce n’est que vingt ans plus tard que John Broome réitéra l’expérience en proposant un nouveau chapitre de sa pensée.
 
Publié en 2012, Climate Matters étudie un point d’achoppement inédit de la problématique environnementale et du réchauffement climatique. John Broome analyse en effet cette question comme le résultat d’un conflit entre la morale privée et la morale publique. La première enjoint les individus à ne pas porter préjudice à autrui et à attendre la même chose en retour en vertu d’un principe de justice. La seconde invite les dirigeants politiques à agir de façon à favoriser le bien commun dans leur communauté.
 
Pour John Broome, le changement climatique apparaît comme un problème qui en appelle à la moralité individuelle. Il s’agit d’un phénomène global qui affecte tous les Hommes. À l’heure actuelle néanmoins, la résolution de ce problème est avant tout prise en charge par des institutions investies d’une moralité publique. Cette dernière étant encore largement rattachée à une notion de territoire, on comprends alors facilement l’origine des difficultés qui s’opposent à l’émergence d’une réponse durable et efficace au changement climatique.John Broome explore ces difficultés, ces blocages, et en fait un examen original.
 
L’auteur soulève également le questionnement sur la façon dont les individus participent au réchauffement climatique, ou à la lutte contre celui-ci. Certaines pratiques du transport ou de la production d’énergie sont en effet suffisamment polluantes pour que l’on s’interroge sur l’équilibre entre leur légitimité environnementale et leur légitimité économique. Mais ce n’est pas tant ce qui doit être fait qui intéresse ici l’auteur. Car loin d’être un discours normatif à destination des individus, Climate Matters et, plus largement, la pensée de John Broome est une invitation à réfléchir sur le comment de la prise de décision collective. Il s’agit ainsi d’un regard novateur sur une question aujourd’hui reconnue comme étant fondamentale pour notre avenir commun.

(1) BROOME, J., Climate Matters – Ethics in a Warming World, W.W. Norton & Company, Amnesty International Global Ethics Series, 2012, 210pp..