Ethique : Des milliers d’épines pour une rose

Carole Doueiry Verne, Vice-doyen à l’USJ Beyrouth
27/07/2020


Ma plume aujourd’hui ne revêt pas un caractère économique ou managérial, mais plutôt un caractère humain, donc universel. Pour beaucoup d’entre nous, la vie se résume à une succession de déceptions amères de la part des personnes que nous côtoyons dans notre vie professionnelle ou personnelle suivies de quelques rares événements heureux, ponctuels, suffisants pour semer la joie en nous et autour de nous.



Ainsi, après une pléthore d’épines, une rose.

Combien de fois dans notre vie, nous avons été déçus par la résurgence de comportements non éthiques tellement fréquents et frustrants que nous avons l’impression que le mal triomphe sur le bien.
Combien de fois nous avons eu envie de baisser les bras face à une éthique qui s’avère exclue de la vie quotidienne réelle des entreprises et des institutions ? Nous avons l’impression que l’éthique se cantonne au plan théorique et que la pratique est tout autre, parfois diamétralement opposée.

Combien de fois nous nous sommes interrogés sur l’utilité de dispenser des cours d’éthique quand l’on sait pertinemment que l’éthique est souvent réduite à un outil pour enjoliver l’image de l’entreprise ou pour des objectifs publicitaires, mais que l’écart est si grand entre la réalité et la pratique.

Comment alors convaincre nos étudiants que cette situation est seulement à court terme, alors qu’ils expérimentent une corruption qui gangrène la société et ses entreprises publiques et privées ; une corruption qui a atteint son paroxysme depuis des années et dont l’ampleur est encore cuisante jusqu’à aujourd’hui.

Le Liban n’échappe hélas pas à cette tendance fâcheuse, mais atteint un degré élevé de corruption sur l’échelle de Transparency International. Le peuple est assoiffé d’éthique et aspire à un meilleur niveau de vie. Cependant, la réalité déchirante enlise ce pays au quotidien dans une amertume profonde, car la qualité de vie a atteint son niveau le plus bas : à la crise du Cov-19, s’ajoutent les crises monétaire et économique, sécuritaire et écologique. La cerise sur le gâteau, c’est la crise que je qualifierai d’« humaine », car il s’agit d’une lutte pour la survie : les gens désespèrent, certains rient quand ils ont envie de pleurer, font la fête pour ne pas sombrer dans l’abîme, mangent sans savoir si dans quelques mois, ils pourront se nourrir ou si leur famille pourra subsister longtemps. Les besoins vitaux deviennent un luxe et les frais de l’éducation une galère.

L’être humain n’a hélas plus de valeur que le montant de l’argent qu’il possède pour soudoyer, acheter ou même offrir.
La raison de tout ce calvaire ? Une corruption culminante dont l’effet boule de neige écrase tout sur son chemin.
La note pathético-comique est le rabâchage des mêmes discours depuis des décennies. Pour ceux qui ne connaissent pas le Liban et qui effectuent une recherche, ils auront les mêmes résultats depuis au moins trente à quarante ans : problèmes politiques, économiques, sanitaires et sécuritaires… Un cercle vicieux ; on avance pour retourner à la case de départ. A qui devrions-nous lancer ce cri du citoyen qui vient du fond de l’âme ?

Face à ces milliers d’épines rencontrées au cours d’une vie, il y a quand même une rose au bout du chemin : un incident heureux, un instant de bonheur que nous vivons pleinement, qui a un impact positif quoi qu’éphémère et qui laisse dans les cœurs un souvenir indélébile. En dépit de tout, l’espoir demeure, l’espoir d’un meilleur lendemain ; l’espoir que l’éthique ne se cantonne pas à une théorie que nous enseignons, mais elle demeure la clef de succès pour un avenir plus sain, plus serein, florissant et prospère.

Un petit pas éthique entrepris concrètement à l’échelle personnelle et institutionnelle contribuera à un pas géant pour l’humanité dans la cristallisation de l’éthique et mènera au bout du compte, à un meilleur niveau de vie et donc, à côtoyer plus de roses que d’épines !