Energie solaire thermodynamique : passage à l’acte à la centrale de Llo

RSE Magazine
09/04/2013


Souvent assimilée à une énergie d’appoint, la production d’électricité à partir d’énergie solaire pourrait bien vivre sa révolution, sans bruit, sous nos yeux. Energie renouvelable par excellence, sans aucun dégagement de CO2, l’énergie solaire pourrait très prochainement constituer une source de production à part entière.



Christian Estrosi, alors Ministre de l'industrie, en visite à Llo en 2010
Si les solutions photovoltaïques sont très adaptées à la production d’énergie décentralisée et individuelle, la production de masse à partir de l’énergie solaire restait une aventure expérimentale au cours des 30 dernières années. L’opération pilote de la centrale Thémis dans les Pyrénées Orientales installée au début des années 80, en dépit de son caractère novateur, s’est soldé par la fermeture du site avant la fin de la même décennie faute de rentabilité. Pourtant, les technologies de production d’énergie solaire autour des procédés à concentration n’avaient pas dit leur dernier mot.

Car en France, en raison d’un ensoleillement direct insuffisant, l'accent est mis sur les projets de démonstration sur le territoire national, avec une vision de projets commerciaux à l'export où d’ores et déjà la concurrence est réelle avec d’autres pays (notamment les Etats-Unis, l’Espagne et l’Inde) très impliqués dans l’énergie solaire. De grands groupes français se sont déjà positionnés sur ce marché en forte croissance. "En plus des technologies  déjà disponibles sur le territoire national, la France compte des fabricants de turbines, d'alternateurs, de miroirs, de trackers, de structures métalliques, de récepteurs, et aussi des groupes d'ingénierie, électriciens, chaudronniers, chaudiéristes...", met en avant la Direction Générale de l'Energie et du Climat du ministère de l'Ecologie. Chacun sent que derrière les enjeux énergétiques et de développement durable, il s’agit aussi de l’émergence d’une vraie filière industrielle et de création d’emplois. A l’heure où la réindustrialisation de la France devient mot d’ordre, le sujet pourrait bien se transformer en priorité.

Au milieu des années 2000, un prototype de centrale solaire thermodynamique fut installé à la Seyne-sur-Mer par l’entreprise CNIM (Constructions Industrielles de la Méditerranée) spécialisée dans la construction d’ensembles industriels clés en main à fort contenu technologique. Ce prototype, basé sur la technologie des miroirs de Fresnel, fonctionne depuis quelques années et a été activement soutenu par l’ADEME. La technologie consiste à récupérer de l’énergie thermique au travers de miroirs manœuvrés mécaniquement et qui renvoient le rayonnement solaire sur un récepteur, la chaudière solaire. Cette énergie thermique peut être stockée ou convertie en électricité au travers d’un cycle de production de vapeur. Dans la réalité, les briques technologiques utilisées font appel à des connaissances et une ingénierie diversifiées et de haut niveau. Il s’agit bien, à ce stade, de maîtriser toute une chaîne de valeur dans la production d’énergie afin d’assurer les meilleures rendements et la plus grande stabilité dans l’énergie produite.

Pas totalement absente de l’expérience Thémis – CNIM en avait réalisé la chaudière - l’entreprise de génie industriel et énergétique a réussi à prouver sa maîtrise du thermodynamique solaire à travers son prototype de la Seyne-sur-Mer qui fournit une production de 100 KW. Véritable démonstrateur préindustriel, ce prototype a montré que le procédé des miroirs de Fresnel était maintenant maîtrisé et constitue aujourd’hui le seul pilote en technologie solaire concentré opérationnel sur le territoire Français.

C’est cette compétence qui a permis à CNIM de remporter l’appel d’offre solaire proposé par le gouvernement en juillet 2012 présenté dans le cadre de la Commission de Régulation Energétique (CRE). Cet appel d’offres s’inscrit dans le programme gouvernemental volontariste pour le développement des énergies renouvelables et de transition énergétique. Beaucoup plus puissant que le prototype, la nouvelle centrale devra atteindre d’ici 2015 une puissance de près de 10 MW. Installée à Llo en Pyrénées Orientales, dans l’une des régions les mieux dotées de France en exposition solaire, cette centrale est un aboutissement pour la stratégie de recherche et d’investissement de CNIM dans le solaire thermodynamique. L’énergie ainsi produite pourra être directement exportée sur le réseau électrique ou encore stockée avant d’être à nouveau convertie en électricité au travers d’un cycle de production de vapeur.

En fonctionnant sur un cycle de génération directe de vapeur couplé à la technologie Fresnel de CNIM, l’énergie ainsi produite est la plus propre qui puisse être car elle n’a pas recours aux huiles thermiques habituellement utilisée dont l’impact environnemental est parfois significatif. De plus, lorsque l'ensoleillement est supérieur aux capacités de la turbine, la chaleur en surplus est dirigée vers un stockage thermique, qui se remplit au cours de la journée. La chaleur emmagasinée permet de continuer à produire en cas de passage nuageux ainsi qu'à la tombée de la nuit.

La centrale thermodynamique à technologie Fresnel de Llo constitue résolument un marqueur du passage à grande échelle de la production électrique d’origine solaire. Par cette installation, CNIM témoigne de la capacité des industriels français de s’insérer dans le cycle des concours à l’exportation, concours qui demandent de présenter des références d’installations existantes. Par son savoir-faire, CNIM peut donc s’intéresser aux nombreuses possibilités qui s’offriront sur les territoires aux conditions climatiques favorables comme l’Afrique du Nord et subsaharienne et le Moyen-Orient. Les initiatives existent dès à présent à travers des programmes comme le Plan Solaire Méditerranéen dont la vocation est d’accroître l’utilisation des énergies renouvelables et de  renforcer l’efficacité énergétique dans la région.
 
La production d’énergie solaire à concentration telle que CNIM la déploie représente un potentiel important pour la création de nouveaux marchés. Elle est prometteuse en terme de création d’emploi, de transfert technologique et donc de développement économique. Enfin, l’énergie solaire contribue, comme toutes les énergies renouvelables, à la lutte contre le changement climatique et procure des avantages financiers liés aux économies de CO2. A n’en pas douter, la révolution douce de l’électricité solaire est bel est bien lancée.