E&Y: les pratiques de gouvernance des entreprises françaises cotées ne prennent pas suffisamment en compte les enseignements de la crise

RSE Magazine
15/02/2010


Quels sont les impacts de la crise sur les pratiques de gouvernance des entreprises françaises cotées ? La bonne gouvernance est-elle réservée aux grands groupes ? La part des femmes au sein des Conseils d’administration a-t-elle progressée? La rémunération des administrateurs des sociétés cotées françaises poursuit-elle sa hausse en 2009 ? Leur rémunération est-elle supérieure à celle de leurs collègues des sociétés étrangères ?



Ernst & Young publie son Panorama annuel des pratiques de gouvernance au sein des sociétés françaises cotées et, pour la troisième année consécutive, le Panorama de la gouvernance des Bigcaps, élaboré en partenariat avec France Proxy, conseil en gouvernance.

Le niveau de gouvernance progresse mais reste insatisfaisant

Le Panorama 2009 montre que le niveau de gouvernance des sociétés françaises cotées s’est globalement amélioré tant pour les Bigcaps que pour les Midcaps. L’édition de cette année révèle qu’à ce jour, les sociétés ont concentré leurs efforts notamment sur la structuration du conseil, la mise en place de comités spécialisés et la nomination d’administrateurs indépendants. En revanche, l’étude montre la nécessité de progrès au niveau des moyens et ressources mis à disposition des organes de gouvernance pour exercer leurs missions. Ainsi, le Panorama 2009 met en évidence que plus de la moitié du panel présente des insuffisances en termes d’outils de gouvernance.

Malgré la progression des pratiques de gouvernance par rapport à 2008, seulement 37% des sociétés du Panorama disposent d’un niveau de gouvernance globalement satisfaisant au regard de la grille d’évaluation utilisée. A l’opposé, 35% d’entre elles obtiennent un résultat qualifié de « très faible ».

La bonne gouvernance rime avec taille importante, niveau de flottant élevé et présence limitée d’administrateurs familiaux dans le conseil.

Le Panorama montre que le décalage des pratiques de gouvernance reste important entre d’une part les sociétés de grande taille (les Bigcaps qui appartiennent au CAC40 et au SBF120) et les Midcaps et d’autre part entre les sociétés ayant un niveau de flottant élevé et les entreprises dont le flottant est faible. Il convient également de souligner que pour les Midcaps la part d’administrateurs familiaux dans le conseil est également essentielle. En effet, lorsque celle-ci, dépasse 30%, le rating moyen de gouvernance se dégrade de l’ordre de 25%, la différence étant particulièrement visible lorsque le flottant dépasse 66 %. Comme les années précédentes, le Panorama montre que le secteur d’activité n’est pas un critère de différenciation, sauf pour les groupes intervenant dans des secteurs réglementés comme le secteur bancaire.

Les pratiques de gouvernance des entreprises françaises cotées ne prennent pas suffisamment en compte les enseignements de la crise.

Préserver le capital confiance est majeur pour une entreprise cotée en période de crise. Pour atteindre cet objectif, le rôle des dirigeants et la collaboration avec le conseil sont déterminants. Or, le Panorama montre que le niveau de transparence des sociétés cotées françaises reste en-deçà des attentes. Ainsi par exemple les plans de succession demeurent tabous, spécialement au sein du SBF120 et des Midcaps. Par ailleurs, le comité scientifique s’accorde sur un autre enseignement de la crise affirmant que le management des risques est essentiel car il conditionne la pérennité de l’entreprise. Or, si au sein du CAC40 et du SBF120, plus de 80% des entreprises disposent d’une cartographie des risques, d’un département d’audit interne et de comités spécialisés chargés d’examiner la cohérence de l’ensemble, pour les Midcaps, ce pourcentage est d'environ 40%. « Il est néanmoins important de signaler que la création de comités a progressé en 2009, et particulièrement de comités d’audit en raison notamment de la transposition de la 8e Directive, qui rend la création d’un comité d’audit obligatoire de façon progressive à partir de 2009/2010 » précise Dominique Pageaud, associé Ernst & Young.

Encore peu de mixité et de diversité au sein des conseils d’administration des sociétés cotées.

Le Panorama 2009 met en lumière que les conseils et comités spécialisés évoluent peu en termes de composition, et laissent peu de place à la diversité (part d’étrangers inférieure à 20 % en moyenne), et aux femmes (moins de 10 %). Le focus sur les Bigcaps montre que, malgré la pression sociétale, le nombre de femmes dans les conseils d’administration n’y progresse que de 0,3% depuis l’année dernière. Ce chiffre s’explique probablement par la faible proportion de femmes dirigeantes dans les sociétés cotées. « La parité hommes/femmes au sein des conseils devra-t-elle passer par une action législative comme c’est le cas dans d’autres pays européens pour voir de véritables progrès? » s’interroge Véronique Bruneau Bayard, associée gérante, France Proxy, société de conseil en gouvernance.

Autre résultat intéressant du focus sur les Bigcaps, la tendance de concentration des pouvoirs qui se renforce en 2009. Ainsi, 17% des administrateurs exercent plus d’un mandat contre 15% l’année dernière. Le cercle des administrateurs du CAC 40 est encore plus fermé puisque 98 d’entre eux (22%) détiennent 43% des droits de vote. « Les travaux menés avec le comité scientifique montrent qu’il est nécessaire d’impulser une accélération des changements en matière de parité et de renouveau des conseils sans quoi ils seront certainement imposés par la voix législative ou réglementaire » alerte Bruno Perin, associé Ernst & Young.

Ainsi le conseil type d’une société française cotée en Bourse est composé de 9 membres en moyenne (dont 4 administrateurs indépendants et 1 administrateur familial exécutif et/ou non exécutif). Il comporte en général un ou deux administrateurs en place depuis plus de 12 ans.

Plus sollicités en 2008, les administrateurs des entreprises françaises n’ont pas été mieux rémunérés
Le rythme de travail des conseils et des comités s’est accru depuis 2008 pour atteindre une moyenne de 8,3 réunions par an pour les sociétés du CAC 40, 7,8 pour celles du SBF 120 et 6,4 pour les Midcaps. Il est à noter que le taux d’assiduité recensé est bon avec une moyenne de 90% de participation pour les sociétés du panel « même s’il s’avère extrêmement difficile de vérifier l’assiduité des membres aux réunions, car le taux de présence individuel n’est présenté clairement que chez 14% des Bigcaps » remarque Véronique Bruneau Bayard.

Le montant des jetons de présence versés au titre de l’exercice 2008/09 est en augmentation par rapport à 2007/08 – une hausse de 4% pour les sociétés du CAC 40, de 1,7% pour les Bigcaps (CAC 40 et SBF 120) et 9 ,1% pour les Midcaps. « Ceci étant, en ce qui concerne les Bigcaps , la hausse de la durée moyenne des réunions et l’augmentation en nombre des comités et des participants font que, rapportée au temps de travail, la rémunération individuelle des administrateurs est à la baisse et non à la hausse » précise Bruno Perrin.

Il est également à signaler que les sociétés de droit étranger versent des jetons de présence significativement plus élevés que les sociétés de droit français. Ainsi, la moyenne des jetons de présence versés par l’ensemble des sociétés du CAC40 s’élève pour 2008 à 55 KEUR contre 108 KEUR pour les sociétés du CAC40 de droit étranger. Il reste encore 18% de Midcaps qui ne versent aucun jeton de présence à leurs administrateurs.

L’évaluation des conseils a été en 2009 le plus important progrès en termes de gouvernance

« Conscientes de l’impact d’une évaluation approfondie du conseil sur la performance de l’entreprise, cette démarche a été adoptée par un nombre croissant de sociétés en 2009. » souligne Dominique Pageaud, associé Ernst & Young. « Le Panorama montre en effet que 45% des sociétés déclarent procéder à une telle analyse : 89% des sociétés du CAC40, 69% des sociétés du SBF120 et 20% des Midcaps. En 2008, 75% des Bigcaps pratiquaient cette évaluation du Conseil et 10% seulement des Midcaps ».

« L’exposé des résultats de l’évaluation reste en revanche perfectible » complète-t-il « puisque seules 25% des sociétés communiquent sur le sujet : 61% des sociétés du CAC40 contre 7% des Midcaps ».


En savoir plus: Ernst & Young