Ambatovy : concilier industrie minière et développement durable?

RSE Magazine
15/11/2013


L’association d’idées entre exploitation industrielles des sols et développement économique est assez évidente. Mais associer industrie minière et développement durable l’est nettement moins. C’est pourtant le pari qu’est en train de gagner le projet Ambatovy à Madagascar, en s’associant notamment à des spécialistes français des questions environnementales comme Veolia.



La plus grande mine de nickel au monde

Il y a encore dix ans, il n’y avait rien ou presque dans cette région faiblement peuplée de la côte Est de Madagascar, en tout cas aucune des infrastructures permettant d’envisager l’installation d’un projet d’une telle ampleur. Avant de devenir la première mine de nickel latéritique du monde, avec près de 60 000 tonnes de nickel raffiné extraites du riche sous-sol de l’île par an, Ambatovy s’est avéré être le plus important projet minier en terrain vierge du monde. Tout était à construire : routes d’accès, voies de contournement des zones protégées, pipe-line souterrain d’acheminement du minerai liquéfié, usine de Tamatave pour le traitement et le raffinage du minerai extrait, infrastructure portuaire de Toamasina pour l’export… Un dossier qui a vu intervenir la Présidence : pour le Président de la Transition, SEM Andry Nirina Rajoelina, « les Malgaches disposent d’énormes richesses en ressources minières et marines, mais ils restent encore pauvres. Ce qui nous a amené à mener de longues négociations pour que la population puisse bénéficier des intérêts issus de ses richesses ». En tout, plus de 4 milliards d’euros ont été investis dans des infrastructures qui profitent directement et indirectement à l’Etat malgache, en plus des redevances que le consortium de gestion paye à l’administration : 38 millions d’euros par an auxquels s’est ajouté un bonus de démarrage de 20 millions d’euros.
 
En plus du nickel, Ambatovy permet à Madagascar de produire près de 10% du cobalt mondial avec 5600 tonnes annuelles, auxquelles s’additionne la production de 210 000 tonnes de sulfates d’ammonium, un engrais utilisé en partie localement, dans le cadre d’un programme de soutien à l’agriculture. « Ambatovy, c’est l’assurance d’un développement économique et social. La concrétisation d’années d’efforts politiques pour développer le secteur minier. Une chance pour le pays », résume Daniella Randriafeno, la ministre des Mines malgache. Il est vrai que le consortium constitué sous le nom d’Ambatovy (regroupant dans une joint-venture Sherritt International Corporation, Sumitomo Corporation, Korea Resources Corporation et SNC-Lavalin Incorporated) a mis en œuvre une politique complète d’acceptabilité du projet, pour répondre de manière transparente aux inquiétudes de la population et des associations de défense de l’environnement.

Optimiser l’impact local du projet

Ambatovy - Localisation (Google Maps)
Au-delà des seules retombées financières pour l’Etat malgache de la construction de la mine, l’ensemble du chantier a naturellement un impact sur l’environnement et sur le contexte socio-économique de la région. Une des premières problématiques à laquelle s’est heurté Ambatovy a été la question du retraitement de l’eau. Sur ce dossier, le consortium minier s’est adjoint les services de Veolia Eau, récemment récompensée d’un "Global Water Award ", au titre de projet industriel de l’année, pour son système de dépollution des eaux de traitement minier. L’exploitation minière du cobalt et du zinc utilise une quantité d’eau phénoménale, qu’il est inconcevable de rejeter dans la nature après utilisation : la raffinerie de nickel et de cobalt d'Ambatovy à Toamasina utilise par exemple de l'acide sulfurique, du sulfure d'hydrogène et de l'ammonium pour traiter le minerai en suspension. Pour acheminer le minerai de la mine à l’usine de raffinage, il lui faut parcourir en plus les 220 km de pipe-line sous forme de « pulpe », procédé de transport économique et rapide (il utilise les 1000 mètres de dénivelé négatif entre la mine et l’usine) mais qui consomme également beaucoup d’eau, à retraiter ensuite. La solution développée par Veolia fait appel à un double procédé d’évaporation et de cristallisation qui permet de récupérer le sulfate d’ammonium, utilisé comme engrais localement. Patrick Couzinet, directeur commercial de Veolia, explique : « nous traitons donc l’eau pour qu’elle soit de bonne qualité à son retour dans le milieu naturel. Mais par ailleurs, nous récupérons dans l’eau sale du sulfate d’ammonium (210 000 tonnes), un produit qui peut servir d’engrais, de fertilisant agricole et qui aide donc au développement de l’agriculture. C’est unique et possible grâce aux technologies dont nous disposons ».
 
Cette volonté de Veolia de contribuer au développement de l’agriculture locale répond aux préoccupations du consortium minier. Afin d’asseoir sa légitimité dans l’arrière-pays, il est parties prenantes de plusieurs initiatives en termes de protection de l’environnement et des cultures locales, en formation de sa main d’œuvre, mais aussi en favorisant l’accès aux soins et à l’éducation des populations vulnérables. Pour le président d’Ambatovy, Mark Plamondon, le projet « vise à contribuer au développement de son pays hôte avec le souci permanent d’atteindre un haut niveau de performance en termes de sécurité, de protection de l’environnement, et d’intégration sociale, tout en générant une retombée économique significative ». La protection de l’environnement, et notamment d’une faune et d’une flore endémique, a été particulièrement étudiée avec l’aménagement de plusieurs zones protégées autour de la mine et la réalisation d’infrastructures souterraines pour éviter la déforestation : le pipe-line d’acheminement du minerai a ainsi été enterré sur toute sa longueur. Compte tenu de la jeunesse du projet, la réalité de ces mesures ne sera pas perceptible avant plusieurs années, mais les engagements de la société exploitante ont d’ores et déjà suffit à faire accepter les contraintes du projet, sachant que plusieurs milliers d’emplois et des dizaines d’entreprises dépendent directement de la mine et de l’usine de retraitement pour se développer.
 
A l’instar de ce pipe-line enterré que recouvre petit à petit une exceptionnelle forêt reprenant ses droits, l’ensemble du projet tend à s’intégrer dans le paysage socio-économique de l’île. Les exemples désastreux de l’exploitation amazonienne ont servi de leçons pour un projet qui porte avec lui les espoirs de développement économique de toute une population.