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Edward T. Hall et les contextes de communication

10/02/2020



Edward T. Hall (1914-2009) est un anthropologue américain qui fut le premier à populariser la notion d’interculturalité. Il s'est intéressé aux dimensions cachées qui conditionnent nos comportements de manière inconsciente, dans les domaines de la communication, du temps et de l'espace. Pour cet anthropologue, chaque culture possède son propre mode de communication. Cette dernière n’est pas uniquement constituée du contenu de messages. D'ailleurs, la forme du message est souvent bien plus importante que le fond, ce qui va conduire l’auteur à distinguer deux contextes de communication, les "hauts" et les "bas" contextes.



Edward T. Hall et les contextes de communication

Cultures à haut contexte

Dans une culture à "haut contexte", les propos ont moins d'importance que le contexte. L'individu n'a pas besoin d'une information explicite et codée, pour agir et communiquer. La communication repose ici sur des liens interpersonnels forts. La communication y est informelle, subjective, souvent floue et non verbale. Elle intègre d'autres formes d'expression, comme  les gestes, le regard ou encore l'espace interpersonnel (distance physique entre individus). Les cultures à « haut contexte » concernent des cultures, où les relations sociales sont étroitement liées et fondées sur un rôle prédéfini par la société. La communication ne se limite pas à la transmission d’informations. Elle s’appuie sur une communication non verbale.

Dans ce type de cultures, l’appartenance à une communauté se révèle extrêmement importante. Les individus vont exprimer et échanger des messages qui vont bien au-delà des rites et des marques de respect et de convivialité. Les personnes vont privilégier le sens du contact et la qualité des interactions. Les acteurs font peu confiance aux documents écrits. Les procédures sont souples, et les objectifs amenés à évoluer avec les circonstances. Il faut donc s’armer de patience lors de négociations (temps polychronique et flexible). C'est pourquoi tisser des liens forts et créer des relations de longue durée basées sur la loyauté constituent les fondements des cultures à haut contexte (réseaux d'information via la famille et les partenaires professionnels), même si beaucoup d’informations ne sont pas formulées explicitement. Le relationnel, la situation, le non verbal revêtent une importance considérable. Le fait de mettre beaucoup de nuances dans ce que l’on dit permet de se protéger mais aussi de préserver l’autre. C’est une façon de veiller à ne pas déstabiliser son interlocuteur. Cette richesse relationnelle et communicationnelle (allusions, suggestions, connotations, non-dits, silences) peut néanmoins entraîner des incompréhensions notamment avec des cultures de bas contexte.

Cultures à bas contexte

Dans une culture à bas contexte de communication, l'information est objective et formelle. Elle se formule à travers des procédures et une communication précise et écrite. Les cultures à « bas contexte » vont avoir une communication fondée sur des informations claires et précises (définition des objectifs). La communication est explicite et directe (primauté à l'analyse et au raisonnement). Les individus échangent un grand nombre d’informations au détriment de la richesse du contexte. Les informations y sont abondantes, triées, organisées et présentées sans ambiguïté (logique déductive avec règles explicites).

Les relations interpersonnelles sont souvent réduites et centrées sur des considérations pratiques et immédiates. Le pragmatisme et la gestion des intérêts de court terme l'emportent sur les objectifs de confiance et de loyauté. Dans le cadre de relations professionnelles (négociations, échanges, transactions), cette orientation culturelle implique une communication souvent "froide" de type rationnel-légal, basée sur des objectifs détaillés et quantifiables dans un horizon de temps défini (planning, dates, échéance) et contrôlé (approche séquentielle, respect des procédures). Ainsi, dans cette forme de culture, tout est fait pour être compris. Le confus, l'imprécis, l'ambigu sont chassés au bénéfice de la clarté et de la concision (messages codés). Seuls les faits établis (validé technique et scientifique), les données tangibles (chiffres) et les éléments dépourvus de toute forme d'interférences (contexte, vécu, expériences) sont pris en compte.

Illustration

La communication entre des cultures à haut et faible contexte peut être source de malentendus, en raison de la manière de transmettre l'information et du rapport différencié au contexte. Plus le message d'une culture à fort contexte sera riche d'informations non exprimées, plus il apparaîtra ambigu pour le détenteur d'une culture à faible contexte.

La culture germanophone (Allemagne, Suisse alémanique) se présente comme une culture à contexte faible. Son style de communication est direct et repose sur le contenu d'un message précis, transmis par des mots simples et clairs. Les non-dits et les liens affectifs n’ont pas d’importance. On se contente de l'information explicitement exprimée. Elle permet aux équipes d'identifier, d'analyser et de résoudre les problèmes de façon objective, ciblée et efficace. A l'inverse, la culture asiatique appartient à une culture à haut contexte. Les asiatiques vivent en communauté, en groupe autour de relations d'interdépendances fortes. L’information y est permanente. Les échanges sont intenses et se réalisent au travers d’un ensemble de réseaux professionnels, familiaux et personnels. L’appartenance à la communauté et les besoins de collectivité s’avèrent essentiels. Les échanges s'appuient sur différents codes culturels à la fois riches et complexes, empreints de traditions et de valeurs (goût de l'effort collectif, honneur, vertu) au sein de différentes sphères (entreprise, famille, amis).

Conclusion

Edward T. Hall utilise le terme de pays à contexte bas et pays à contexte haut pour décrire les relations sociales entre les individus. Pour lui, il existe donc deux grands types de cultures : les cultures de haut contexte (intériorisation, communication non verbale) que l’on trouve en Asie (Chine, Inde, Japon), en Afrique ou au Moyen-Orient et les cultures de contexte faible (informations explicites, raisonnements verbaux) comme aux Etats-Unis, en Scandinavie ou en Allemagne. Ces formes de cultures sont très différentes dans leur manière de s’exprimer et de transmettre l’information notamment dans des situations de groupe ou dans des contextes de crise (pression temporelle). Une communication entre cultures de contextes différents peut donc créer des incompréhensions et des malentendus. Seule la prise en compte des spécificités propres à chacune de ces cultures (contenu versus contexte) peut contribuer à favoriser des relations constructives et de confiance entre les équipes concernées.

Pour aller plus loin

Hall, E. T., La dimension cachée, Paris: Seuil, 1978.
Hall, E. T., Au-delà de la culture, Paris: Seuil, 1979.
Hall, E. T., La danse de la vie. Temps culturel, temps vécu, Paris: Seuil, 1984.
Meier O., Management interculturel, 7 ème éd., Dunod, 2019.
Meier O., culture d'entreprise: définitions et mode d'emploi, Carnets du Business, 2017.
Meier O., Barabel M., Manageor, Dunod, 2015

Note:







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