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Désamiantage : rencontre avec Michel Galzin, Directeur Qualité chez DI Environnement

La Rédaction
06/11/2020



Longtemps utilisé dans le secteur de la construction, l’amiante est interdit depuis près d’un quart de siècle en France. Une interdiction salvatrice qui doit toutefois s’accompagner d’un long et fastidieux travail de désamiantage. Michel Galzin, Directeur Qualité chez DI Environnement, une ETI française spécialisée dans le désamiantage et la dépollution, explique les enjeux d’un tel exercice.



Désamiantage : rencontre avec Michel Galzin, Directeur Qualité chez DI Environnement
Pourquoi l’amiante, un produit reconnu comme toxique, a-t-il été autant utilisé pendant des décennies ? A quoi doit-on finalement son interdiction en France en 1997 ?

Le long succès de l’amiante s’explique par plusieurs facteurs. Le premier est dû à ses qualités intrinsèques qui en ont fait pendant près d’un siècle, un matériau incontournable. Il permet, en effet, une bonne isolation phonique et thermique et est un matériau réfractaire, c’est-à-dire qu’il supporte des températures élevées. L’amiante a aussi pour atout d’exister à l’état naturel. En France, l’amiante a été extrait de plusieurs sites à l’image de la Haute-Corse. Présent sous forme d’affleurements rocheux, l’amiante était travaillé pour être utilisé sous forme de fibres. Dès le début du XXe siècle, des interrogations quant à sa dangerosité ont été émises après le décès de nombreux ouvriers. Malheureusement, les problématiques de santé publique – à l’époque où un lourd tabagisme chez les ouvriers était la norme – n’étaient guère prépondérantes surtout qu’il aurait fallu remettre en question toute l’économie de ce qu’on surnommait alors « l’or blanc ».

Pour bien comprendre le poids économique de l’ « or blanc », on peut rappeler que certains assureurs obligeaient les constructeurs à utiliser l’amiante pour protéger les bâtiments contre les incendies. Le lobbying pro-amiante a su prospérer et il faudra attendre des décennies et bien des drames humains comme au port de Marseille où de nombreux dockers sont décédés pour en venir à une interdiction en 1997. A cette date, l’utilisation de l’amiante a été interdite et les premiers chantiers de désamiantage ont vu le jour.

La réglementation a imposé un état des lieux annuel aux propriétaires avec obligation de retrait seulement en cas de dégradation de l’amiante présente. Les règles se sont développées au fil du temps et la France dispose aujourd’hui de la réglementation la plus stricte au monde.

Comment assure-t-on la sécurité de travaux de désamiantage ?

En France, la réglementation sur l’amiante est plus contraignante encore que pour le nucléaire. Les propriétaires et les entreprises ont été sensibilisées à ce problème et les professionnels du BTP doivent impérativement mettre leur chantier à l’arrêt dès lors qu’une structure amiantée a été repérée de manière fortuite. Il faut alors recourir à des spécialistes comme DI Environnement qui peuvent se prévaloir des certifications indispensables à un travail de désamiantage. Il est illégal et extrêmement dangereux de s’essayer à retirer de l’amiante sans obtention préalable des certifications adéquates.

La certification est un processus lourd qui implique de multiples obligations comme la mise en place de protections pour l’opérateur qui intervient sur le site afin qu’il ne respire pas des fibres d’amiante. En tant que professionnels, nous mettons également en place des structures collectives pour que l’environnement soit préservé des fibres d’amiante. En d’autres termes, la grande majorité des retraits d’amiante se fait aujourd’hui en zone confinée. La zone est mise en dépression, c’est-à-dire que l’air entre, mais ne peut pas ressortir de la zone délimitée sans être filtré. L’objectif – du reste tenu – est d’empêcher que la moindre fibre d’amiante ne s’échappe dans l’air. 

Toutes les procédures mises en place sont soumises à des règles draconiennes issues de trois organismes possibles de certification. On compte L’AFNOR, Qualibat et GLOBAL Certification, tous suivant le référentiel NF X46 010. Chaque entreprise passe entre les mains d’une commission d’experts qui attribue ou non la certification souhaitée. Les contrôles et réévaluations sont constants afin de garder sa certification et de pouvoir ainsi travailler. Il faut notamment faire état de la mise en place technique des obligations réglementaires, prouver que le matériel nécessaire est à disposition et bien utilisé par des équipes vraiment formées aux problématiques du désamiantage. La surveillance des entrées et sorties du personnel sur les sites, les valeurs limites d’exposition professionnelle mesurées directement sur les opérateurs sont autant de critères à respecter.
 
Que deviennent les gravats et comment assure-t-on leur traçabilité ?

Chaque chantier commence par un diagnostic. Ce dernier revêt un caractère obligatoire et réglementaire et a pour but de de repérer précisément où se trouve l’amiante et sous quelle forme. Une fois ce diagnostic établi, une entreprise comme DI Environnement se charge du retrait des déchets avec des règles également très strictes à respecter en matière de traçabilité. Ainsi, pour qu’un chantier puisse démarrer, il faut avoir obtenu l’acceptation préalable d’un centre de tri pour la future livraison des déchets. C’est ce que l’on appelle un « exutoire de déchets ». 

Tous les déchets ayant fait l’objet d’un retrait sont listés et mis dans des sacs spécifiques, hermétiquement clos qui vont être amenés à l’exutoire qui aura accepté de stocker les déchets. La traçabilité se concrétise aussi avec le Bordereau de suivi des déchets d’amiante (BSDA).  L’exutoire nous renvoie un certificat d’élimination afin d’apporter la preuve que le déchet a bien été traité chez eux. Les gravats sont placés dans un container spécifique et enfouis.

Il existe une solution alternative à l’enfouissement qui consiste à détruire l’amiante et donc sa nature toxique : c’est l’inertage. Ce procédé mis au point par la société Inertam expose les déchets amiantés à des températures oscillant entre 1000 et 1 600 degrés Celsius. L’amiante est vitrifié et les fibres dangereuses détruites. Les restes issus de ce processus sont sans danger et sont valorisés en sous-couche routière. Malheureusement l’inertage reste un procédé onéreux et les donneurs d’ordre optent souvent pour le stockage des déchets.
 
A l’image de l’amiante, existe-t-il d’autres matériaux abondamment utilisés présentant des dangers et qui doivent faire l’objet d’interdiction et d’un travail de dépollution ?

Aujourd’hui, nous attendons une réglementation relative au plomb aussi drastique que celle sur l’amiante. Toutes les fibres comme la laine de verre et la poussière de silice deviendront peut-être des matériaux considérés comme dangereux. La laine de verre est utilisée pour l’isolation des maisons, mais nous n’avons pas assez de recul quant à son potentiel danger. Un produit aussi volatile que la laine de verre peut venir perturber le système respiratoire des personnes exposées. Il y a un réel besoin d’études afin d’avoir une idée précise des possibles dangers et pour que les pouvoirs publics puissent prendre les décisions adéquates.
 
La France est-elle armée pour faire face à l’ampleur des besoins en dépollution ?

La mise en place de la réglementation sur l’amiante nous permet de pallier tous les risques qui existeraient sur d’autres produits : nous avons atteint un tel niveau de réglementation, d’obligation, de contrôle, de suivi et de surveillance que nous pourrions aisément prendre en charge efficacement d’autres types de matériaux dangereux.

Beaucoup de pays viennent évaluer l’écosystème français pour s’en inspirer. C’est pourquoi je ne suis pas inquiet quant à la capacité à répondre aux besoins en matière de dépollution. Les entreprises certifiées en France sont d’envergure à absorber une dépollution qui va s’accroître au cours des prochaines années. Il serait imprudent de baisser la garde et laisser-faire des sociétés qui n’ont ni l’expertise, ni la capacité de respecter ce très haut niveau d’exigence. Les organismes de contrôle doivent conserver leur niveau d’attente, voire même élever leurs exigences pour que même les activités de faible niveau en concentration d’amiante ne relèvent que des seuls professionnels du désamiantage.






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