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Arnaud Gisclon, « Nous recyclons désormais 98% des eaux usées municipales pour la production industrielle »

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30/08/2018



En 2017, le rapport annuel de l’UNESCO sur la mise en valeur des ressources en eau mettait l’accent sur les ressources inexploitées que représentent les eaux usées. En effet, sur la planète, 80% sont rejetées sans traitement dans la nature. Il existe pourtant des solutions et leur recyclage permet de lutter contre les effets néfastes sur la santé, la raréfaction de l’eau et constitue également une source d’énergie durable. Cependant, les problématiques ne sont pas les mêmes en fonction des régions et de leurs ressources naturelles. En Afrique du sud, les besoins en eau pour l’industrie et l’agriculture doivent se concilier avec les besoins urbains. Dans ce contexte la filiale de Véolia « Water Technologies South Africa » intervient sur de nombreux projets. Du recyclage de l’eau pour les villes et les industries à l’amélioration de l’accès aux ressources pour les habitants, la filiale conduite par Arnaud Gisclon change le quotidien des villes. Le directeur général Afrique du Sud et Afrique de l’Est revient sur son parcours et sur les actions qu’il mène dans cette partie du monde



Après l’obtention de votre diplôme d’ingénieur à l’école supérieure de Poitiers, vous commencez votre carrière chez Véolia en 1995. Vous intégrez tout d’abord le département technique en charge du développement d’une nouvelle technologie de traitement appelé Biostyr. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Je suis arrivé en 1995 chez Véolia, à la suite d’un stage en entreprise. On m’a affecté sur un projet pilote de traitement de l’eau dont la technologie, nouvelle à l’époque, est appelée Biostyr. C’est un procédé qui permet d’éliminer la pollution dans un espace compact, ce qui limite son impact écologique. J’ai eu la chance de travailler pendant deux ans sur ce pilote, d’étudier différentes configurations, de participer au développement de nouvelles technologies, ce qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. En faisant varier tous les paramètres possibles sur une eau usée et en mesurant le résultat obtenu, j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement de ces technologies. Ce fût un poste technique à 100% mais qui, je pense, a constitué un bon démarrage pour une carrière.
 
A partir de 1998, vous gérez la mise en exploitation de nouvelles usines. Cette mission va vous conduire jusqu’en Afrique du Sud où va se poursuivre votre carrière. Quelles étaient alors les motivations à l’origine de l’introduction d’une filiale Véolia en Afrique du Sud ? 

Après avoir pu participer à différentes mises en exploitation, on m’a proposé de m’occuper des usines en fin de construction. Cela m’a permis de voir les choses différemment, d’être confronté à des cas techniques nouveaux. La fin des mises en exploitations coïncide aussi avec le recrutement des futures équipes. Cela permet d’appréhender la partie management et de mettre en place un groupe qui va être capable de faire tourner cette usine. Après l’avoir expérimenté en France, en 2001 je suis parti à Durban faire le même exercice sur une nouvelle usine.

L’une des raisons principales pour lesquelles Véolia a créé cette filiale en Afrique du sud réside dans la victoire à un appel d’offre international en 1999. C’est à ce moment-là que nous nous y sommes réellement établis. Je ne pense pas qu’il y avait un choix stratégique vers ce pays, même s’il restait un pays prospect pour Véolia avec la fin de l’apartheid et parce que le pays était en pleine transition. Cependant, je crois que la raison principale de notre déploiement sur place reste assez simple : remporter cet appel d’offre pour la construction et l’exploitation des usines pendant 20 ans.
 
L’exode rural induit de nouvelles problématiques quant à la gestion des ressources en eau. Comment se caractérise l’évolution des besoins dans les villes ?  

Le problème de l’exode rural vers les villes africaines c’est que la population est en train d’exploser et que les villes ne sont pas prêtes à recevoir une telle densité d’habitants. La question des ressources est tout aussi compliquée. Quand la ville est surpeuplée, elle a d’une part du mal à subvenir à ses besoins. Mais il devient également difficile de disposer d’infrastructures pérennes et internes de collecte d’eaux usées au milieu d’une urbanisation très dense.

Les grandes villes africaines sont de plus en plus exposées à ce type de problème. Ce qui est le plus difficile, c’est la mise en place des réseaux. Il faut donc partir sur un modèle où la décentralisation des zones de production d’eau potable, ou de traitement d’eaux usées, est forte. Il n’est pas aisé d’avoir une usine centralisée qui dessert une ville dans son ensemble. On arrive ainsi de plus en plus à des usines de taille moyenne proche de la population pour éviter cette partie réseau délicate à mettre en place dans les villes.
 
Dans la ville de Durban, vous êtes partis de zéro et avez signé le premier partenariat public privé. Sur quels plans intervenez-vous aujourd’hui en matière de recyclage de l’eau et pour qui ? 

Ce contrat est toujours en activité puisqu’il avait une durée de 20 ans. Cela fait maintenant 17 ans qu’on récupère et recycle une grande partie des eaux usées de la ville de Durban. Cette eau est essentiellement exploitée par une papeterie qui se servait auparavant d’eau potable, qui pouvait potentiellement être bue par les habitants. Ce projet a permis de redistribuer l’eau vers la population plutôt que de la consacrer à un usage industriel.

Lorsque nous avons mis cette usine en route cela nous a permis de donner accès à l’eau à 300 000 personnes avec l’équivalent de ce que consommait l’usine. En Afrique du sud ou dans les pays limitrophes, il y a aujourd’hui peu d’exemples à cette échelle et avec autant de succès de recyclage d’eau usés. Cependant, nous le faisons de plus en plus de cette manière-là pour des industriels. Il y a différents niveaux, vous pouvez le faire comme nous l’avons fait à Durban en récupérant des eaux usées domestiques mais on va également jusqu’à recycler dans les usines. Il n’y a pas longtemps nous avons mis en route une usine pour une fromagerie qui récupère les eaux usées produites par cette dernière pour qu’elles puissent être réutilisés dans la fabrication du fromage. Après il y a différents schémas beaucoup plus compliqués du fait de la géographie et de la climatologie du pays. En Namibie par exemple à Windhoek, il ne pleut pas suffisamment pour alimenter la population en eau. Il y a à peu près 60 % des eaux usées de la ville qui sont recyclées mais pour une consommation humaine.
 
Quels sont les résultats perceptibles depuis 2001 d’un point de vue environnemental, social, économique et technique ?  

En termes d’environnement le résultat est clair, on minimise l’impact sur les ressources naturelles ainsi que la production de déchets. Nous essayons de mettre en place des cycles d’économie circulaire. Dans le cadre de la politique de Véolia, c’est extrêmement important.

Grâce à la technologie européenne, adaptée au paysage africain, nous sommes capables de mettre en avant ces avantages environnementaux. Au niveau socioéconomique, avec ce genre de projet nous réussissons à réduire le coût de l’eau pour l’industriel grâce au recyclage. Cela a un impact sur les résultats économiques de l’industriel et ainsi pour toute la communauté qui vit autour de cette industrie. L’ensemble constitue la première étape d’un cercle vertueux, aussi bien sur le plan économique qu’environnemental, social et économique.
 
La filiale s’étant largement déployée, vous êtes désormais en charge de l’Afrique de l’Est et du Sud ainsi que de l’activité « produits chimiques » pour l’ensemble du continent Africain. Les besoins varient-ils selon les villes ou les pays ?

Il y a très peu de variations. Une eau usée domestique créée par une population humaine, qu’elle soit africaine ou européenne est la même. Il y a des petites variantes en fonction des niveaux de développement des pays : plus les pays sont développés, moins les besoins en eaux sont fondamentaux. Dans les pays moins développés, les populations ont besoin d’eau pour boire ; dans les pays plus développés, elles ont besoin d’eau pour les activités économiques. Mais les problématiques restent globalement les mêmes.
 
Toute activité humaine produit des eaux usées. Dans ces régions, les populations sont-elles sensibilisées aux besoins d’une meilleure gestion des ressources ?
 
Oui, car, malheureusement, il y a encore des épidémies de choléra dans certains pays africains. Il y a des gens qui font des kilomètres pour aller chercher de l’eau potable, ou puisent de l’eau dans une rivière qui n’est pas forcement potable. C’est là une logique de cercle vicieux : quand ils sont dans cette situation, ils ne vont pas à l’école, ils ne peuvent donc pas travailler et tout s’enchaine très vite... Il est donc très important de mettre à disposition l’eau aux populations pour leurs besoins mais aussi pour leur apporter ce qui leur permettra de se développer.
 






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