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Surpoids : le cri d’alarme des diététiciens

07/02/2023



La sédentarité – notamment chez les plus jeunes – est une cause importante de la progression du surpoids en France. Aujourd’hui, 17% des enfants de 6 à 17 ans en souffrent. C’est pourquoi le gouvernement a mis en place un dispositif visant à consacrer 30 min de sport par jour à l’école. L’urgence est bien là et exige une réponse organisée où tous les acteurs de la lutte contre le surpoids ont voix au chapitre.



Le combat contre la surcharge pondérale n’est pas qu’une question de kilos superflus, il s’agit même d’un vrai enjeu de santé publique. Parmi les professionnels de santé dans le domaine de la nutrition, les diététiciens ont eu du mal à s’imposer dans l’orbite de la prise en charge médicale. Pourtant, leur apport est essentiel pour lutter contre les maladies liées à la surcharge pondérale. Selon le ministère de la Santé, cette dernière responsable de multiples maladies comme le diabète, l’hypertension artérielle ou plusieurs maladies cardio-vasculaires et respiratoires, sans compter ses répercussions psychologiques. Pire, elle serait responsable, en Europe, de 10 à 13 % des décès. L’ampleur du fléau est donc tout sauf anecdotique, et la conjonction des compétences des diététiciens et des médecins s’impose de plus en plus comme une vraie stratégie.
 
 
Le besoin de reconnaissance des diététiciens

Ces dix dernières années, plusieurs batailles menées par les diététiciens français ont atteint leur objectif. En 2011 par exemple, la Haute autorité de santé (HAS) avait établi un « parcours thérapeutique » pour lutter contre onze maladies chroniques liées au surpoids, intégrant dans ce processus l’intervention de diététiciens. Mais malgré cette reconnaissance de leurs compétences, l’implication de ces praticiens n’est toujours pas couverte par l’Assurance maladie. « La non prise en charge de ces consultations par l’assurance maladie rend ces parcours non-opérationnels, déplore le Pr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, spécialisé en endocrinologie et maladies métaboliques. En empêchant ces patients de bénéficier de soins jugés officiellement nécessaires, cette situation crée non seulement une inégalité d’accès aux soins mais une perte objective de chances. Je le constate tous les jours dans ma pratique médicale : en l’absence de suivi diététique, à l’hôpital et en post-hospitalisation, l’état de santé des patients se dégrade, alors que celui des patients suivis s’améliore. » Ce retour d’expérience est clair : la médecine seule ne peut pas tout.
 
Cette double approche – entre médecine et diététique – constitue aujourd’hui l’axe de travail promu par de nombreux professionnels de santé. C’est le cas par exemple de Ghislain Grodard-Humbert, président de l'Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), qui, fin 2021, s’était réjoui du classement des diététiciens nutritionnistes en catégorie A au sein de la fonction publique hospitalière. Signe que cette profession doit être soutenue et mise en avant dans le traitement de la surcharge pondérale  : « À l’heure où la prévalence de l’obésité inquiète en France (rappelons que près d’un Français sur deux – 47% – est soit en surpoids, soit en situation d’obésité selon l’enquête ObÉpiRoche 2021) et dans le monde (l’OMS parle d’épidémie), il est primordial pour nous de mieux définir la place et le rôle des diététicien.ne.s. L’objectif est double et rejoint la feuille de route du gouvernement annoncée en 2019 : améliorer la prise en charge des personnes atteintes de surpoids et d’obésité par la structuration de parcours de soins gradués et coordonnés, et renforcer la régulation de la chirurgie bariatrique pour une meilleure pertinence. » Les diététiciens, eux, souhaitent que leur spécialité soit mieux encadrée et mieux valorisée dans les parcours des soins, soulignant également – à travers une pétition – que leur travail ne peut pas être pris en charge par les infirmières. Leur savoir-faire est bien spécifique.
 
 
Intensifier la collaboration médecins-diététiciens

Cette approche pluridisciplinaire entre médecine et diététique est par exemple utilisée par les centres RPNC du groupe Éthique & Santé qui se sont eux aussi alignés sur la feuille de route gouvernementale de 2019. Avec, comme stratégie de fond, l’amélioration et le développement de la prise en charge des personnes atteintes de surpoids partout sur le territoire ainsi que la formation des professionnels et l’information des patients. Selon Rémy Legrand, concepteur de la méthode médicalisée de perte de poids RNPC (Programme de rééducation nutritionnelle et psycho-comportementale), les patients pris en charge dans ce type de centres sont à la recherche d’un nouvel équilibre et de nouvelles habitudes alimentaires et comportementales. Pour lui, le tandem médecin-diététicien constitue la condition sine qua non de la réussite des traitements : « Il est essentiel que nous continuions à travailler tous ensemble la main dans la main. Aussi efficace que puisse être le programme et les diététiciens RNPC, si le médecin n’est pas partie prenante, ne soutient pas le patient dans son projet de vie de perdre du poids, et n’insiste pas sur l’importance de stabiliser le poids perdu, c’est un processus qui devient alors plus compliqué, pour le patient comme pour nous. Les médecins jouent un rôle clé dans l’efficacité du programme, et nous devons continuer, et même intensifier les efforts pour travailler ensemble. » Le réseau RNPC s’appuie sur une expérience accumulée auprès de 85 000 patients déjà pris en charge depuis 2006. 
 
Les pouvoirs publics sont très conscients de la permanence de cet enjeu de santé publique. Le 8 décembre dernier, le ministre de la Santé François Braun et son homologue au ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées Jean-Christophe Combe ont lancé une nouvelle mission sur la prévention et la prise en charge de l’obésité. La feuille de route 2019-2022 a, semble-t-il, atteint l’un de ses objectifs : mettre en évidence le besoin de coordination dans les interventions des professionnels de santé autour des patients afin d’assurer leur prise en charge, partout sur le territoire métropolitain et en Outre-Mer. Cette nouvelle mission d’information, confiée à Martine Laville, professeure de nutrition à l’Université Claude Bernard à Lyon, devra remettre ses conclusions aux deux ministres, d’ici mars prochain, afin de définir une nouvelle feuille de route pour les années à venir. La bataille n’est pas donc finie.
 






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