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Erhard Friedberg ou l'action organisée

09/10/2019



Erhard Friedberg, sociologue et professeur à Sciences Po, est un des principaux représentants de l'Ecole française de sociologie des organisations, initiée par Michel Crozier dans les années 1960. Sa contribution principale réside dans le développement d'un cadre théorique et d'une démarche méthodologique pour l'analyse de l'action organisée, terme qu'il préfère à celui d'organisation.



© IngImage
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Le courant de l'analyse stratégique

Le courant de l’analyse stratégique considère l’entreprise comme un construit social, un système d’action organisé, composé d’individus relativement libres aux rationalités contingentes, multiples et divergentes (Crozier, Friedberg, 1994).

L’organisation est appréhendée ici comme un phénomène sociologique, qui existe et se transforme à partir d'un jeu entre les acteurs. Ces acteurs sont considérés comme étant dotés d’une relative autonomie (marge de manœuvre) et enclins à la coopération et aux interdépendances au sein d’un système d’action organisé. Les jeux (conflits, tractations, négociations, alliances) s’articulent les uns aux autres et sont maintenus en activation dans un système d’action donné.

Une rationalité centrée sur l'analyse des situations

Le comportement des acteurs est donc rationnel. Il s’explique par la nature des situations et la défense de leurs intérêts. Ce courant ne fait donc pas mention du passé de la personne (socialisation), de son histoire ou de sa personnalité. Si Erhard Friedberg et Michel Crozier ne nient pas cette forme de rationalité, ils préconisent une simplification de l’analyse. Il souhaitent en effet se focaliser sur la nature des relations (action organisée) plutôt que sur le profil des personnes. Une telle position justifie l’importance du concept d’« acteur », afin de proposer une analyse stratégique et systémique des situations rencontrées.

L'école de l’analyse stratégique privilégie les stratégies d’actions et les systèmes d’interdépendances. Pour les auteurs de ce courant, ce sont principalement les interrelations, les stratégies d’acteurs, la nature des enjeux, les conflits d’intérêts, les jeux et règles organisationnelles qui donnent sens à l’action collective (Friedberg, 1997). La stratégie de l’acteur revêt ici deux dimensions, un caractère offensif pour saisir les opportunités et défensif pour faire face aux contraintes.

L'acteur et le système

Les acteurs du système vont donc agir et réagir, en cherchant à contrôler les zones d’incertitude, en vue d’élargir leur marge de liberté et augmenter leur pouvoir. Il existe, au sein du système, plusieurs formes de pouvoirs, en fonction de la nature des sources d’incertitude: la maîtrise d’une compétence particulière (expertise), le rapport à l’organisation et à son environnement (captation ou mobilisation de ressources), la maîtrise des flux d’informations et de communication et la capacité à contrôler les règles du jeu.

Les actions menées ne sont donc pas dictées par des considérations irrationnelles mais bien par des stratégies de calculs et d’intérêts. Si le modèle occulte bien souvent les questions culturelle, identitaire et socio-historique, ce courant élaboré par M. Crozier et E. Friedberg, opère un double mouvement en termes d’analyse autour des questions de degré de liberté et de rationalité limitée. Il s'inscrit dans une approche à la fois stratégique (comportement) et systémique (contraintes).

L'Ecole française de sociologie des organisations vise ainsi à montrer la capacité des acteurs à développer une stratégie rationnelle dans le but d’obtenir des résultats, dictée par l’évolution de la situation (enjeux et opportunités) et les contraintes de l’organisation. C'est par rapport au contexte réel que les motifs et stratégies des différents acteurs doivent donc être appréciés.

Conclusion

Le courant de l'analyse stratégique des organisations est davantage une démarche de recherche à base d'entretiens et d'observations qu'une théorie. Cette méthode clinique est préconisée dans les contextes d'action organisée. Elle entend ici se démarquer des logiques rationaliste et fonctionnaliste, en proposant une démarche qui favorise l'autonomie des acteurs et les logiques de coopération. Ce courant met au centre de l’analyse les questions de rationalité limitée, de stratégies d’acteurs et de pouvoir au sein d’un système d’action contraint propice au contrôle des zones d’incertitude et à la formation d’alliances. Les stratégies mises en place doivent donc être analysées comme le produit de jeux issus du comportement et du vécu des acteurs. L’acteur ne doit pas être considéré comme un agent "technique" doté d'un statut attribué, qui détiendrait un rôle prédéfini. Il se présente avant tout comme un acteur rationnel et autonome qui peut agir et réagir, pour défendre ses intérêts et contribuer au développement de son organisation.

Pour aller plus loin

Friedberg E., Le pouvoir et la règle : dynamique de l’action organisée, Seuil, 1997.
Crozier M., Friedberg E., L’acteur et le système, Points, 1994.
Meier O., "L'apport des sciences sociales dans le champ de la gestion", Cahier DRM, 2016. Meier O., "Analyse de la réorganisation d'une entreprise après un changement: nature des légitimités et conséquences, Revue des Sciences de Gestion, n°205, p.39-50, 2004.
Meier O., Gestion du changement,  en coll., Editions Dunod, 2007.
Meier O., Barabel M., Manageor, Dunod, 2015.

Note:







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