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Climatisation : l’hôtellerie à la traîne face au risque sanitaire

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18/07/2018



Alors que nos sociétés sont de plus en plus consommatrices de climatisation, l’entretien ne suit pas : méconnaissance des moyens de procéder, minimisation des conséquences, rabotage des coûts… Tous les prétextes sont bons pour laisser pourrir, au sens propre, l’air (frais) que nous respirons, avec des conséquences sanitaires parfois… mortelles.



Tandis que nous nous méfions à raison de l’air extérieur, nous négligeons les menaces les plus proches, par méconnaissance d’un sujet qui fera certainement l’effet d’un (petit) scandale sanitaire dans les prochaines années. A force de vivre enfermés, tout en respirant un air recyclé et climatisé, nous nous exposons sans le savoir à nombre d’agents pathogènes, au moins aussi dangereux que les polluants extérieurs.
 
Car à l’instar des épisodes caniculaires, les systèmes de climatisation pourraient bien provoquer un nombre significatif de décès par affection respiratoire dans les années à venir. En cause : l’absence d’entretien généralement constatée des membranes de refroidissement et des conduits d’air, sachant que plusieurs nettoyages annuels sont nécessaires à leur bon fonctionnement et à l’hygiène des systèmes. Or, des tours de refroidissement jusqu’aux sorties d’air dans l’habitat, on trouve des dizaines de mètres, voire plusieurs kilomètres dans le cas d’immeubles de bureaux ou d’hôtels, de conduits empruntés par un air souvent très humide. Mais c’est en particulier sur les membranes, un milieu humide particulièrement propice, que vont se développer la plupart des bactéries et micro-organismes.
 
Par ignorance, négligence ou tout simplement pour réaliser des économies de bouts de chandelles, ces dispositifs ne font bien souvent l’objet d’aucune attention de la part des responsables en charge de la maintenance et de l’entretien. Parmi les rares professionnels du secteur à agir, en majorité dans les hôtels, certains chargés de maintenance utilisent des produit extrêmement toxiques, acides ou alcalins, fermant les yeux sur les dangers provoqués par cette utilisation.
 
Pourtant, dans ce milieu moite et idéal, prolifèrent les champignons et moisissures en tous genres, certains étant responsables de maladies respiratoires très dangereuses comme la légionellose. En 2015, cette forme aigue de pneumonie a tué près d’une dizaine de personnes à New-York, lors d’une épidémie qui a marqué la « Grosse pomme » : plusieurs centaines de personnes ont été contaminées par cette bactérie et ont dû être hospitalisées. En 2017, elle frappe encore, cette fois dans un hôtel de Las Vegas. Bilan : 2 personnes ayant séjournées à l’hôtel Rio de Las Vegas sont contaminées et hospitalisées. Pourtant en 2011, un cas similaire avait déjà fait une victime dans un hôtel de la ville, le Louxor.
 
Selon le Center for Disease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta, la légionellose touche entre 8000 et 18000 américains chaque année, la maladie étant mortelle dans 5 à 30 % des cas, selon les antécédents et l’état de santé de la personne.
 
Le risque est désormais bien connu des professionnels de l’hôtellerie qui, globalement en France, intègrent la lutte contre la prolifération des légionelles à leur politique gestion du risque sanitaire global. Ainsi, le groupe Accor a-t-il par exemple mis en place une « gestion préventive des installations techniques à risque vis-à-vis des légionelles, aussi bien sur les tours de refroidissement que sur les réseaux d’eau chaude sanitaire. » Autre stratégie, la chaîne Marriott International a, elle, fait le choix de sous-traiter l’installation et la maintenance des systèmes de climatisation auprès de MCI France, dans le cas de l’hôtel situé sur les Champs Elysées. Les hôtels de l’enseigne Hilton disposent, eux, d’un poste dédié d’ingénieur en chef, qui compte parmi ses responsabilités la supervision des systèmes de chauffage et de climatisation, aussi bien en termes de sécurité que de maintenance. Il n’empêche : le Ministère de la santé  « a observé au cours de ces dernières années que la majorité des cas groupés de légionellose notifiés en France a été reliée à la présence de tours aéroréfrigérantes suivies au titre de la réglementation des ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement, Ndlr). » Le secteur de l’hôtellerie essaie aujourd’hui de se coordonner et d’uniformiser des standards de qualité en la matière. Mais même lorsque des standards ou des chartes de qualité existent, les modalités ne sont pas forcément respectées partout dans le monde. Des différences notables persistent entre les hôtels occidentaux et orientaux, y compris au sein d’une même chaîne. 
 
La légionellose n’est évidemment pas la seule maladie qu’il est possible de contracter par l’intermédiaire d’une climatisation mal entretenue. Les champignons et les moisissures qui y prolifèrent relâchent par exemple des spores dans l’air. Le plus connu est le « Black mold » se présentant sous la forme de mousses noires, qui prolifèrent rapidement. Ce champignon extrêmement courant peu se répandre à très grande vitesse dans un milieu qui lui est favorable. Ce champignon est plus particulièrement associé au Sick building syndrome (SBS) ou syndrome du bâtiment malsain, se caractérisant par une dégradation progressive et importante de la santé des occupants d’un lieu contaminé. Une exposition prolongée est susceptible de provoquer des réactions allergiques, des affections respiratoires telles l’asthme ou des mycoses broncho-pulmonaires. Dans le cas de personnes particulièrement sensibles, cela peut également aller jusqu’au décès.
 
Paradoxalement, ces maladies concernent plus particulièrement les régions développées et urbanisées, puisque certaines bactéries ne peuvent pas se développer et survivre en milieu naturel, lacs ou rivières : elles s’épanouissent spécifiquement dans les eaux chaudes générées par l’activité humaine. Les pays les plus touchées sont ceux qui cumulent un usage massif de la climatisation avec un climat chaud et très humide de type tropical.
 
Les pays du Sud-est asiatique sont de fait très exposés à tous ces problèmes, d’autant que les normes et les obligations en matière d’entretien et de désinfection sont encore moins exigeantes que dans les pays occidentaux. Le dépistage précoce de certaines maladies y est aussi plus difficile. Groupes hôteliers comme hôpitaux attendent pour agir qu’une législation beaucoup plus contraignante les y obligent. Celle-ci a peu de chances de voir le jour à brève échéance, tant ce problème sanitaire est minoré ou ignoré par les autorités compétentes. En attendant, l’ensemble des acteurs concernés en Asie du Sud-est pratique la politique de l’autruche et gère les difficultés uniquement en réaction, lorsque les contaminations ont déjà eu lieu.
 
Parce qu’il est difficile d’en établir précisément les causes et l’origine, les maladies respiratoires font partie de ces fléaux silencieux qui vont néanmoins provoquer directement ou indirectement des centaines voire des milliers de morts prématurées dans les années à venir. Les polluants de l’air extérieur ont été, au moins en partie, clairement incriminés depuis des années. Il est donc temps d’ouvrir les yeux sur ce que nous respirons dans nos environnements intérieurs, et sur les dangers que peuvent représenter des systèmes de climatisation en utilisation croissante, mais peu ou mal entretenus.






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