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Vesta : « L'Hypocrisie du Monde du Travail »

Bertrand Coty interview
28/02/2022



Dans cet ouvrage, Vesta témoigne : née à la campagne, élevée à la dure, elle s'est très vite débrouillée seule et s'est exilée vers la grande ville pour y trouver son premier emploi. Avec une plume non dénuée d'humour, elle nous relate ses péripéties professionnelles. Entre trahisons, désillusions et grandes joies, elle dévoile l'une après l'autre les strates de son existence.



Vesta, vous publiez aux éditions du Panthéon : « L'Hypocrisie du Monde du Travail »
Quelles sont les racines de votre témoignage acide ? 
 
La source de mon témoignage provient du temps passé, de mon investissement, du fait de m’être donnée corps et âme pour les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé et, par la suite, d’avoir été déçue par le comportement hypocrite de mes collègues et, en particulier, de mes supérieurs hiérarchiques. Mais pas que… Quand vous démarrez dans le monde du travail, les anciens repèrent rapidement les petits nouveaux qui ont les capacités et les compétences adéquates sur leur poste. On les teste, on les apprivoise, on les « séduits ». Naïvement, ces derniers lâchent à demi-mots les idées qu’ils peuvent avoir quant à la mise en place de nouvelles initiatives visant à améliorer les flux et/ou à l’organisation du travail. Les anciens s’emparent des idées qu’ils jugent opportunes et les proposent à la hiérarchie. Pour les nouveaux arrivants, c’est la prise de conscience de « la jungle » dans laquelle ils évoluent. D’où le mot « Hypocrisie ». Du vernis par devant, du fer croisé par-derrière. Les supérieurs aiment également bien jouer à un petit jeu : critiquer des collègues lorsqu’ils sont absents afin de glaner des informations sur leurs faits et gestes. Autrement dit : diviser pour mieux régner.
 
Comment jugez-vous les relations de hiérarchie dans l’entreprise ?
 
Les relations de hiérarchie peuvent être très convenables dans le cas où vous demeurez dans la Matrice, dans le cas où vous suivez la ligne directrice de l’exécutif. Si vous déviez, même si votre suggestion peut être excellente, c’est la crise, la rupture. C’est ce qui s’est passé avec ma responsable de service lorsque j’étais Manager de Proximité. « Notre responsable de service a réalisé son plan de salle seule, sans nous réunir, nous les Managers de Proximité. De ce fait, je me retrouvais dans une salle (il y en avait deux), sans aucun membre de mon équipe. Très pratique pour mener son travail à bien » (cf. : Le Monde Hypocrite du Travail – p 31). J’avais parlé de ce fait à mon responsable de pôle. Elle me l’a fait payer. Puérile en plus !
Cette réaction démontrait une non-intégrité de sa part. Quid de l’esprit d’équipe ?
Autre déception : « Du personnel qui avait l’habitude d’effectuer des tâches basiques… nous a donc été affecté… Aucune de mes collègues ne voulait s’encombrer de cette tâche… Bonne poire, je me suis portée volontaire… Un soir, je me suis fait houspiller… parce que l’un de mes agents avait commis une erreur… et il aurait fallu que je me coupe en deux de surcroît… » (cf. : Le Monde Hypocrite du Travail – p 32).
 
Et l’égalité femmes-hommes, qu’elle est votre constat ? 
 
- Dans le milieu du fonctionnariat, on compte environ 70 % de femmes donc ne parlez pas de parité.
Les hommes, d’ailleurs, n’occupent pas forcément les postes à haute responsabilité.
Dans mon service, tous les cadres étaient des femmes. Chacune ramenait la couverture à elle pour avoir quelque reconnaissance. La reconnaissance, le Graal ultime que tout a chacun désire.
Au niveau des salaires, difficile de juger. Dans la fonction publique, ils sont égaux entre hommes et femmes.
Toutefois, une présence plus fournie de la gent masculine aurait été la bienvenue.
L’ambiance aurait été bien meilleure. De toute façon, je me suis toujours mieux entendue avec les hommes qu’avec les femmes dans le milieu du travail. On appelle un chat, un chat. Pas d’hypocrisie, on parle franco et direct. D’ailleurs, j’ai toujours été comme cela moi aussi.
Pas de niaiseries, pas de manières, pas de paroles futiles.
 
Pensez-vous que la crise que nous traversons puisse faire évoluer votre témoignage ?  

 
Le télétravail ne représente pas un idéal. Dans les grandes villes, 30 % des personnes sont célibataires. L’absence de lien social peut être très mal vécue par certains et mener à des dépressions, voire des drames. Quant aux femmes, travailler à la maison n’est pas une sinécure lorsque l’on a des enfants en bas âge. Vous pensez que c’est facile vous de travailler sur un tableau Excel entre deux biberons ?
Je suis pour la liberté. J’estime qu’il faut donner le choix au personnel.
Un personnel heureux est un personnel performant.
À quoi servent les « turn over » ?

Ensuite, on peut faire une balance avec les gens qui se moquent d’être en entreprise ou à leur domicile.
Je pense que les jeunes diplômés dans le monde du numérique ou de l’ingénierie trouveront un emploi relativement facilement. Le problème du non-épanouissement au travail provient toujours du manque de diplôme. C’est à ce moment précis que le recruteur à un rôle primordial à jouer.


Je reste persuadée qu’une compétence certaine sommeille à l’intérieur de chaque être humain. Encore faut-il la détecter et essayer de positionner les individus sur un poste au plus près de leurs centres d’intérêt, de leurs aspirations.
Je répète un personnel heureux est un personnel performant.
J’ai toujours eu l’impression que l’on était des pions placés sur un grand échiquier. Et on fait tourner les pions en fonction des besoins de l’entreprise. Peu importe si le personnel est compétent ou pas. On remplit les tableaux Excel, on réalise des statistiques, bref, on fait son travail de responsable. Peu importe les conséquences. Chacun défend son précarré sans tenir compte du collectif. Ce qui est bien dommage...