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La propriété intellectuelle peut-elle garantir un avenir durable?

22/08/2013





II. Le cas du vivant

Depuis que les recherches et les expériences ont été entamées sur la nature, l’Homme a signé son pouvoir sur le vivant. Au fil des civilisations, les limites entre les œuvres de l’humain et les éléments naturels se sont effacées progressivement. Désormais, les portes sont grandes ouvertes. Des questions restent cependant posées, notamment en ce qui concerne la « propriété » du vivant. Dès l’instauration des systèmes de protection et de brevets au XIXème, aucune spécification n’a été portée sur le cas du vivant. Il s’agit d’un sujet pratiquement tabou, une règle que l’on ne saurait ne pas respecter. Le caractère même du vivant, sa nature, sa capacité de se reproduire, de respirer impliquent la non-considération de la question. Comment pourrait-on s’approprier un tel élément ? La culture occidentale était explicite sur le sujet, le monde animé ne pourrait faire l’objet d’un titre de propriété.
 
Mais avec le développement permanent des recherches, le concept du vivant perd de plus en plus sa valeur initiale. La biotechnologie la considère désormais comme une machine, composée de différentes pièces, dont les organes, les cellules, les molécules, les gènes, les tissus. Les parties du vivant sont alors fragmentées, et peuvent être remplacées telles des pièces détachées. Il s’agit désormais, uniquement d’un simple objet, une « matière biologique » étudiée par les industries. Avec l’arrivée de ce nouveau concept, les droits de propriété entrent automatiquement en jeu. Au-delà du caractère subjectif du vivant, celui-ci peut alors faire l’objet d’une appropriation.
 
L’instauration des NDPI ou Nouveaux droits de propriété intellectuelle dans les années 80 marque un pas important dans le monde du vivant. Le développement confirmé des biotechnologies signe une nouvelle ère, dans laquelle le concept de « vivant » est reconsidéré. Désormais, il n’est en effet plus question de simples études, basées sur des procédés repérés, mais une entrée dans les créations biologiques. Les succès en génétique donnent lieu à une « seconde nature », une deuxième vie, fruit des inventions de l’Homme. Les recherches ne sont plus limitées aux descriptions de la vie, mais sont de plus en plus orientées vers la création. Automatiquement, le phénomène impacte sur la valeur du vivant, qui devient alors propriété singulière, privée, de par sa nature « animée ».
 
Le nouveau système de propriété intellectuelle s’accompagne déjà, à l’aube des années 1970, d’une modification des façons de pensée. Dans le cadre d’une meilleure efficacité économique, les biens communs et le domaine public perdent progressivement leur valeur pour donner place à la propriété privée. Les idées de Garett Hardin, publiées dans son article « The Tragedy of the Commons » en 1968, constituent une référence dans ce contexte. Pour l’auteur, le concept de propriété commune s’accompagne souvent de gaspillage, et ne doit être appliqué que dans des zones à faible densité de population. Faute d’un niveau démographique trop élevé, les biens communs sont en effet exposés à un risque de disparition. Le libre accès ne facilitant ni leur sauvegarde, ni leur gestion. Dans l’optique d’une « écologie de marché », il serait ainsi nécessaire de bien définir les droits de propriété, en les rendant privés.