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Fin de l'omerta sur l'huissier de justice

François Samain
09/02/2022



Pour rétablir la vérité sur ce métier qui pâtit d’une mauvaise image, François Samain vient de publier « Confessions d’un huissier de justice ». Diplômé en droit, il a voué sa vie au métier d’huissier de justice. Dans son livre paru chez VA Éditions, il nous confie de nombreuses anecdotes et parvient à nous passionner…



Y-a-t-il un métier plus décrié et plus  méprisé que celui d’huissier de justice ? Probablement pas et pourtant c’est un métier bien méconnu.
 
Ni la littérature, ni le cinéma, ni les médias ne présentent l’huissier autrement que sous des traits particulièrement désavantageux au travers desquels ne pointent que l’avidité, l’austérité, l’inhumanité, la cruauté et l’inculture propres à ce grouillot. Car c’est ainsi qu’il est souvent présenté ; un grouillot dont la survie au sein de notre institution judiciaire n’est probablement dûe qu’à un oubli de la part du législateur. Nos dirigeants sont  tellement attachés à justifier chacune de leurs réformes par la volonté de gommer les verrues d’un  temps révolu, que le maintien de cette vieille fonction d’huissier de justice parait anachronique et contraire aux  exigences de la modernité et de la communication convenue de nos princes.  D’ailleurs, pour ce qui est du domaine de la communication, les huissiers vont perdre peu à peu leur nom et s’appelleront désormais commissaires de justice.

Mais, laissons le registre de la caricature.
 
En effet, les huissiers, malgré le tourbillon de la réforme permanente, sont toujours vivants ; ils sont toujours chargés par la loi de « mettre à exécution » la décision du juge lorsque celui qui est condamné refuse de s’exécuter volontairement ou, hélas, se trouve incapable de le faire spontanément. Ils sont également toujours chargés de convoquer les justiciables devant le juge et de les informer officiellement de la décision de ce dernier.
 
Sait-on que les huissiers réalisent annuellement  l’exécution de près d’un million de jugements (ou titres exécutoires) sans que la paix publique ne soit troublée ? Cette mission pourtant délicate est réalisée sans aucun incident ou presque alors que la situation économique et sociale des français ne cesse de se dégrader ainsi que l’a révélé la révolte des gilets jaunes, alors que la santé des PME et des travailleurs indépendants devient chancelante, alors que l’inflation nouvelle vient dégrader les marges des entreprises.
 
Alors, est-ce l’effet d’un miracle ? Je ne le pense pas. Plus certainement, je crois que le luxe de précautions procédurales entourant leur activité assure la stabilité du fragile équilibre entre créancier et débiteur lors de la phase délicate de l’exécution forcée, tout cela au bénéfice de la paix publique et de la société. Je crois aussi que c’est le savoir-faire des huissiers, dont l’histoire des institutions judiciaires enseigne que leur métier existe depuis des siècles, qui justifie leur utilité sociale et, par voie de conséquence, leur longévité. Enfin je crois que le travail quotidien et dur sur la « pâte humaine » fait acquérir aux hommes et aux femmes qui ont choisi ce difficile métier,  des connaissances et une compétence sur le plan humain que beaucoup ne soupçonnent pas. A cet égard, je ne résiste pas à rapporter le témoignage d’une dame, travailleur indépendant, dont les affaires périclitaient. J’avais procédé à son expulsion du logement qu’elle occupait de longue date. J’ai pu l’aider modestement à surmonter cette épreuve. M’adressant habituellement ses vœux de nouvel an, elle m’écrit : « je saisis cette opportunité pour vous redire combien je suis toujours reconnaissante de ce que vous avez fait pour moi dans un moment très difficile de ma vie… Il y a des choses que l’on n’oublie pas… »
La caricature et le manichéisme sont toujours un mauvais guide pour juger des huissiers comme des hommes en général. Je souhaite ardemment que les « confessions d’huissier de justice » confirment cette opinion.