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Reporting extra-financier: Pourquoi la notion de matérialité est importante

Coralie Ponsinet
25/10/2013



L’intérêt porté à la responsabilité sociétale des entreprises n’a cessé de croître en France ces dernières années, surtout depuis que la Loi Grenelle 2 a étendu l’obligation de publier des informations relatives à la politique de développement durable aux sociétés non listées en Bourse.



De plus en plus de rapports de développement durable sont produits chaque année, mais qu’en est-il de la qualité de ces rapports?

Coralie Ponsinet est Sustainability Researcher chez IMS Consulting plc, au Royaume-Uni.
Coralie Ponsinet est Sustainability Researcher chez IMS Consulting plc, au Royaume-Uni.

Le reporting extra-financier en France

La Loi Grenelle 2, votée en 2010 et complétée par un décret en Avril 2012, oblige les organisations à inclure des informations dans leur rapport annuel concernant leur stratégie de développement durable et de prévention des risques. Les entreprises doivent aussi publier leurs actions spécifiques relatives aux déchets et au recyclage, aux ressources naturelles, au changement climatique, à la biodiversité, au dialogue avec leurs parties prenantes et à la prise en compte de facteurs sociaux et environnementaux dans la politique d’achat.

La Loi Grenelle 2 a été appliquée progressivement et la dernière étape va concerner les entreprises non cotées de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et 500 employés à publier ces informations pour les exercices ouverts après le 31 Décembre 2013.

Cette loi met la France en position de pionnière du reporting extra-financier en Europe, avec peut-être seul le Danemark en termes de réglementations imposées, alors que les autres pays ont adopté une approche volontaire pour leurs organisations.

Pourtant, alors que l’accent porté sur le reporting par rapport à des actions spécifiques à l’entreprise est une bonne chose, le niveau de détail requis pour chaque catégorie environnementale n’a pas été précisé et dans les faits, le reporting de ces actions pourrait dans certains cas être dénué de sens. On pourrait aussi s’interroger sur la pertinence d’appliquer une loi de la même manière à des entreprises aussi différentes au niveau de leur chiffre d’affaires et nombre d’employés.

Contrairement au système français et dans le but de rendre le reporting extra-financier plus pertinent, trois initiatives influentes de reporting, la Global Reporting Initiative (GRI), l’International Integrated Reporting Council (IIRC) et le Sustainability Accounting Standards Board (SASB), ont adopté un concept qui attire de plus en plus d’attention dans le milieu: la notion de matérialité.

Qu’est-ce-que la matérialité?

La matérialité est l’idée selon laquelle les entreprises doivent concentrer leurs efforts de reporting et politique de développement durable sur les enjeux les plus liés à leurs activités. C’est devenu le mot de l’année dans le domaine du développement durable en 2013, surtout grâce à l’accent mis sur les enjeux ‘matériels’ dans les nouvelles lignes directrices G4 de reporting extra-financier publiées par la GRI en Mai.

Il n’y a aucun doute sur le fait que la matérialité soit un atout à considérer lors du développement d’une politique ou d’un rapport de développement durable (qu’il soit ou non fait pour être ‘en accord’ avec les lignes directrices GRI G4), puisque cette notion fournit l’assurance que les efforts sont concentrés sur les enjeux les plus importants. Cependant, l’évaluation de matérialité, passant par un dialogue avec les parties prenantes, est nouvelle et semble compliquée pour beaucoup. La publication de la première version des lignes directrices GRI G4 avait à l’époque fait grincer des dents certaines entreprises françaises. Pourquoi alors investir du temps et de l’argent pour intégrer la notion de matérialité?

© freshidea - Fotolia.com
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Les avantages de la matérialité dans le reporting extra-financier

Tout d’abord, une des étapes décisives de l’évaluation de la matérialité des enjeux est le dialogue avec les parties prenantes, permettant à toutes les catégories de parties prenantes d’avoir leur mot à dire sur la politique de développement durable de l’entreprise. Plus une société récolte d’avis de la part de ses parties prenantes, plus elle se rapproche de la possibilité de développer une politique forte sur le long terme. En effet, en faisant l’effort de dialoguer avec ses parties prenantes, une organisation se donne les chances de construire sa propre stratégie, prenant en compte les risques et opportunités attenant à ses activités, plutôt que d’essayer d’appliquer un modèle sensé convenir à tout le monde. Le dialogue en-ligne, à travers des plateformes comme StakeholderTALK, est en plein essor et permet à un maximum de parties prenantes d’une entreprise de contribuer à l’exercice de manière équitable, peu importe leur géolocalisation.

Un deuxième avantage apporté par l’analyse de matérialité est l’économie de temps et d’argent autrement utilisés à rendre des comptes sur des catégories environnementales non-pertinentes, dans le seul but d’être en règle avec les réglementations en cours. Cela permet non seulement de parvenir à des rapports plus concis et plus faciles à lire et comprendre, mais aussi de donner une vraie image des impacts d’une organisation, afin d’agir efficacement pour améliorer sa performance globale.

On peut noter que la Commission Européenne propose une directive modifiant deux directives en cours en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par les sociétés de plus de 500 employés et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans le cas où cette directive serait votée, les entreprises concernées devraient “inclure dans leur rapport de gestion des informations substantielles (‘material’ dans la version anglophone) relatives au minimum aux questions d’environnement, sociales et de personnel, de respect des droits de l’homme et de lute contre la corruption.” Pour fournir ces informations, la directive indique que les entreprises pourraient s’appuyer sur des cadres nationaux, de l’UE ou internationaux, tels que le Pacte Mondial de l’ONU ou la GRI par exemple.

Depuis 2012, les lignes directrices de la GRI sont devenues les normes officielles de reporting recommandées par le Pacte Mondial de l’ONU, signé par 870 entreprises françaises. Cela signifie que ces entreprises vont se voir recommander les lignes directrices GRI G4, qui reposent lourdement sur la notion de matérialité. Bien que GRI soit une initiative volontaire, le respect de ces lignes directrices peut fournir un avantage compétitif aux entreprises qui sautent le pas auprès de leurs clients et parties prenantes.

Alors que de nombreuses entreprises françaises s’apprêtent à reporter sur leur politique de développement durable pour la première fois en 2014 ou 2015, pourrait-il y avoir un meilleur moment pour commencer à appliquer l’analyse de matérialité et suivre les meilleures pratiques internationales?



A propos de l'auteur

Coralie Ponsinet est ingénieure diplômée de l’Institut National des Sciences Appliquées de Rouen et titulaire d’un MSc en management de l’environnement. Elle travaille en tant que Sustainability Researcher chez IMS Consulting plc, une entreprise basée au Royaume-Uni spécialiste en développement durable et RSE, ayant développé StakeholderTALKTM, un outil complet de dialogue et communication en-ligne. IMS travaille avec des entreprises de haut-niveau telles que Bouygues UK, Michelin et Saint-Gobain et est partenaire accrédité du Carbon Disclosure Project.






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