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Pour une approche "gagnant–gagnant" de la RSE

08/01/2015



Par Michel-Hubert Jamard*

A l'heure où la méfiance envers les institutions ne cesse de croître, les opinions publiques se montrent particulièrement sévères à l'égard des entreprises et de leurs dirigeants acharnés qu'ils seraient à bâtir leurs profits aux dépens de l'humanité comme de la nature.



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L'étude Edelman  2013 sur la confiance montre que dans 16 des 26 pays observés, plus de 50% des sondés ne prêtent pas foi aux propos des patrons d'une entreprise pour former leur avis sur celle-ci (63% en France). Les engagements sociétaux proclamés au fil des pages des rapports de développement durable n'y changent rien. Loin de convaincre, ils font l'objet de suspicions quand ils ne sont pas taxés de cynisme. Pour être caricaturale, cette vision, dogmatiquement relayée par certaines ONG et associations qui, en revanche, bénéficient d'une forte cote de crédibilité, se trouve confortée par la communication maladroite pratiquée par nombre d'entreprises.
 
Dans bien des cas, en effet, les démarches de responsabilité sont exprimées sous forme d'une litanie de dons et d'actions. De sorte qu'elles sont davantage perçues comme des "BA" destinées à s'acheter une conduite plutôt qu'une donnée stratégique participant concomitamment à l'atteinte des objectifs de l'entreprise et à l'amélioration des conditions de vie des communautés au sein desquelles elle évolue. Un tel biais prête le flanc à ce que l'on pourrait appeler le "responsibilitywashing" par extension du "greenwashing" réservé aux choses de l'environnement. Il accrédite, en outre, le sentiment que l'engagement responsable ne répond qu'à un  enjeu de réputation, qu'il n'est qu'une réponse à la RSE implicitement présentée comme une contrainte, non pas comme une orientation stratégique. En d'autres termes, qu'il ne s'agirait que d'une affaire de communication et de coercition. 

Création de valeur partagée

La réalité est toute autre. La RSE est à ce point considérée par la sphère économique et financière, que dès 1999, Dow Jones créait le Dow Jones Sustainabilty Index (DJSI), premier indice boursier à apprécier la performance d'une entreprise à l'aune de la force de son engagement dans le développement durable. Ce n'est pas un hasard non plus si des groupes comme IBM, General Electric, Unilever, Nestlé, Novartis souscrivent au concept de création de "valeur partagée" développé par un professeur de Harvard, Michael Porter. Sans chercher à le dissimuler, au contraire, ces multinationales ont compris qu'au delà de la recherche de profit immédiat, leur performance à plus long terme impose qu'elles se  préoccupent de façon active et, disons le, intéressée, de la santé et de l'éducation de leurs clients présents et futurs, du tarissement des ressources naturelles indispensables à la poursuite de leurs activités, de la pérennité de leurs fournisseurs, des situations de précarité des populations au milieu desquelles elles opèrent.
 
La finalité d'une entreprise est bel et bien de croître et de prospérer; elle ne doit pas redouter de le proclamer haut et fort. Pas seulement lors des réunions d'actionnaires et dans son rapport d'activité. Pour croître et prospérer, elle doit s'appuyer sur des salariés compétents, motivés traités à la hauteur de leur mérite. Pour se développer, elle doit disposer d'une clientèle éduquée, en bonne santé, disposant d'un pouvoir d'achat suffisant pour acquérir ses produits. Produits dont les matières premières servant à les fabriquer doivent être gérées avec soin, en accordant aux pays d'où elles sont tirées une juste rétribution de nature à favoriser leur stabilité politique et leur développement économique dont profiteront les citoyens et par voie de conséquence, le marché local de l'entreprise. Un cercle vertueux.
 
De même, les comportements responsables doivent être revendiqués et pas seulement dans les cénacles spécialisés, pas seulement dans les rapports de développement durable. Il n'existe pas d'un côté, l'entreprise égoïste, dominée par l'appât du gain, de l'autre celle, altruiste, œuvrant pour le bien de la planète et de ses habitants. L'entreprise responsable est celle qui  comprend combien la satisfaction de ses intérêts repose largement par la satisfaction des intérêts de son environnement au sens le plus large du terme.
 
Dans ce cadre, les entreprises sont amenées à nouer des liens avec les ONG non plus en simples donateurs, mais en partenaires objectifs servant des intérêts réciproques. La création de "valeur partagée"  se présente ainsi comme une approche "gagnant-gagnant" ouvertement affichée qui fait de la RSE un paramètre stratégique au bénéfice revendiqué de l'entreprise comme de son environnement naturel et humain. Réconciliant réussite économique et progrès social, elle peut être aussi un vecteur de reconquête de l'opinion publique.

 

A propos de l'auteur

Aujourd'hui consultant et enseignant, Michel-Hubert Jamard a d'abord été journaliste, avant d'assumer la direction de la communication dans plusieurs grands groupes (Nexans, Alcatel Alsthom, Veolia Water Systems, puis Areva). Il est également l'auteur de La Troisième révolution Energétique (en collaboration, Plon, 2008)   





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